BEAUNE

Montagne de Beaune – Un clos renaît de ses racines : permaculture, truffes et vins bio… plongez dans l’univers de Jean-Louis Martin

Montagne de Beaune – Un clos renaît de ses racines : permaculture, truffes et vins bio… plongez dans l’univers de Jean-Louis Martin
Montagne de Beaune – Un clos renaît de ses racines : permaculture, truffes et vins bio… plongez dans l’univers de Jean-Louis Martin
Montagne de Beaune – Un clos renaît de ses racines : permaculture, truffes et vins bio… plongez dans l’univers de Jean-Louis Martin
Montagne de Beaune – Un clos renaît de ses racines : permaculture, truffes et vins bio… plongez dans l’univers de Jean-Louis Martin

Sur les hauteurs de Beaune, au cœur de la Montagne, Jean-Louis Martin cultive le clos de la Belle Châtelaine où il façonne un rêve en permaculture, vigne et truffière bio. Son Fabuleux Jardin, qu’il ouvre aux curieux, mêle transmission, expérimentation et plaisirs des sens. Une immersion unique dans un Clos tricentenaire magnifiquement restauré.

Connaissez-vous le Fabuleux Jardin de Jean-Louis Martin ? Jean-Louis Martin est un grand rêveur, un de ceux qui vont jusqu’au bout de leurs idées, aussi folles puissent-elles paraître. Après avoir façonné de ses mains le domaine de la Terre d’Or, transformé en maison d’hôtes haut de gamme avec sa grotte naturelle, il nourrit un nouveau projet, profondément ancré dans sa mémoire et dans ses racines : posséder une vigne, cultiver des truffes. « Je viens d’une famille très culinaire, confie-t-il.  Il y a des pâtissiers, des cuisiniers, et chez nous, on aime la bonne chère, le bon vin et les produits vrais. » Une passion du terroir transmise dès l’enfance, au fil des souvenirs de promenades avec son père à la recherche de truffes, sur les pentes de la montagne de Beaune.
C’est ainsi qu’il se met en quête, pendant cinq ans, d’un terrain propice à la culture truffière. Il cherche une parcelle accessible à pied depuis son domicile – l’idéal serait un hectare, pas plus. Les emplacements sont rares, les contraintes nombreuses. Et pourtant, c’est en 2013 qu’il tombe sur une parcelle oubliée, en friche, envahie de pins noirs d’Autriche, vestiges d’un reboisement standardisé opéré par l’ONF dans les années 1950. Ce terrain, c’est celui du Clos de la Belle Châtelaine, une ancienne vigne ceinte de murs, mentionnée dès le XVIIIe siècle.

Une terre marquée par l’histoire
Autrefois, cette parcelle appartenait à une famille parisienne aisée, qui possédait plusieurs terres dans la région. Deux enfants héritent du clos, confié à un métayer local chargé d’en cultiver la vigne. Mais après la Première Guerre mondiale, comme tant d’autres exploitations rurales, l’activité s’étiole. La crise du phylloxéra a déjà dévasté le vignoble bourguignon à la fin du XIXe siècle ; le rêve d’un clos prospère est abandonné. La vigne périclite, le mur s’effondre peu à peu sous les ronces, et la mémoire du lieu s’efface avec le temps.

La renaissance du Clos de la Belle Châtelaine
Il faut attendre trois générations pour que les héritiers de la famille parisienne, 75 ans plus tard, décident de céder la parcelle. Jean-Louis Martin la rachète en 2013. Pour lui, c’est un coup de cœur mais aussi un retour aux sources. Il comprend le potentiel du lieu, son histoire enfouie, sa terre calcaire idéale pour la truffe, et son orientation rêvée pour la vigne. Commence alors un long travail de débroussaillage, de reconstruction, de replantation. Un acte de renaissance agricole et patrimoniale. Le terrain, laissé à l’abandon depuis près d’un siècle, était envahi par 1 250 pins noirs d’Autriche de plus de 25 mètres. Il a fallu les abattre, les désoucher, reconstruire les murs effondrés, stabiliser le sol… Une entreprise colossale. « Le site ne respirait plus. Il fallait tout réimaginer. »

Une truffière pensée comme un écosystème
Jean-Louis Martin s’est attelé à l’aménagement du clos avec méthode et passion. La truffe est le point de départ du projet. Jean-Louis a grandi avec le souvenir des promenades hivernales, de l’odeur de la terre, du silence complice entre l’homme, le chien et la forêt. Il se lance dans le pari ambitieux : créer une truffière répartie sur un hectare. Il fait alors l’acquisition de 660 arbres mycorhizés, achetés chez un arboriculteur spécialisé. Chênes, charmes, noisetiers, pins ou encore cèdres, chacun de ces jeunes plants a été soigneusement inoculé de mycélium truffier, ce réseau souterrain de filaments, invisible mais essentiel, qui permet à la truffe de se former. L’investissement est conséquent — 12 euros le pot — mais nécessaire pour espérer voir naître un jour le diamant noir de la gastronomie.
Le principe est simple en apparence, mais complexe dans la réalité : la truffe est le fruit d’un champignon souterrain, le mycélium, qui vit en symbiose avec les racines d’un arbre. « L’arbre offre des sucres via la sève ; en échange, le mycélium puise dans le sol des sels minéraux qu’il lui restitue. Cette connexion intime entre l’arbre et le champignon, appelée mycorhization, crée une véritable toile d’araignée sous la terre — un maillage vivant d’où émergera, si les conditions sont réunies, la truffe tant convoitée. »

Entre gestion fine et respect du vivant
Et pour que ces conditions soient optimales, Jean-Louis veille à chaque détail. Le terrain offre déjà un atout géologique rare : un sol calcaire, absolument essentiel pour le développement de la truffe. L’exposition, à la fois ombragée et lumineuse, est soigneusement gérée. Il a fait installer un système d’irrigation autonome, alimenté par la récupération de l’eau de pluie, stockée dans un bassin de rétention. Cette ressource s’est révélée précieuse au cours des trois à quatre dernières années de sécheresse. Sans elle, il estime qu’il aurait perdu jusqu’aux deux tiers de ses arbres.
Les premiers résultats arrivent rapidement. Trois ans après les premières plantations, Jean-Louis récolte ses premières truffes. « La première année, j’en ai trouvé cinq, pesant jusqu’à 450 g. L’année suivante, 2,7 kg. Et l’an dernier, nous avons atteint 7,7 kg en fin de saison, en avril. » Jean-Louis a aussi tenté l’aventure avec une rangée de truffe noire du Périgord (Tuber melanosporum), installée plus haut sur la parcelle, dans une zone plus abritée, car cette variété supporte mal les hivers longs et rigoureux.
 
La vigne, en lyre haute, entre ciel et sol
Puis il plante il plante 0,5 hectare de vigne sur la partie la plus pentue et la mieux exposée. Elle est cultivée en lyre haute, une méthode ancienne et rare en Bourgogne, qui permet une meilleure aération, une photosynthèse optimale, et un entretien manuel respectueux du sol. Le cépage principal est le pinot noir, planté en 2019, rejoint récemment par quelques rangs de chardonnay. La vigne, cultivée en lyre haute 100 % bio, est aujourd’hui confiée à Jean-Claude Rateau, pionnier du bio à Beaune. Le résultat est un vin délicat, vibrant, produit en petites quantités (environ 3 000 bouteilles par an), vendangé à la main, vinifié sans intrants, et élevé avec soin. L’objectif ? Qualité, expression du terroir, et respect du vivant. Le vin n’est pas encore commercialisé à grande échelle, mais il est proposé à la dégustation dans le cadre des visites.
 
La permaculture comme philosophie
Mais c’est avec le potager que Jean-Louis découvre une nouvelle passion : la permaculture. Le déclic lui vient lors d’un moment de complicité avec son petit-fils Gaspard. « Rien ne poussait correctement, alors on est allés prendre des cours chez un maraîcher. Et là, révélation. » Loin du jardin classique, il pratique une permaculture stricte, inspirée des principes de Fukuoka, de Sepp Holzer, et de maraîchers contemporains comme Charles Hervé-Gruyer.
La permaculture repose sur une approche fine du vivant. « Le sol ne doit jamais être retourné, explique-t-il. L’agriculture conventionnelle tue les sols à coup de tracteurs. Sous nos pieds, le vivant est plus riche et plus lourd que ce qui pousse au-dessus. » Vers de terre, fourmis, taupes, bactéries… tout cet écosystème crée une terre fertile.
Jean-Louis Martin alterne les variétés de légumes pour nourrir cette vie souterraine : carottes aux racines profondes, tomates aux racines en surface. « Chaque plante a son rôle. Il faut observer, s’adapter, respecter les rythmes, les cycles, la lune. » Il cultive sans produits chimiques, traite uniquement avec du savon noir, de la soude et du lait entier.
Son potager s’étend aujourd’hui sur 2 000 m², complété par une grande serre de 25 mètres de long, le potager est entretenu avec l’aide d’un ami maraîcher à la retraite. Tomates, poireaux, salades, radis, pommes de terre, betteraves… mais aussi fruits rouges. La production est si abondante qu’il a dû ouvrir un petit marché local pour ses voisins. Aujourd’hui il a réduit le potager pour subvenir à ses besoins et à ceux de son ami maraîcher.
 
Un jardin vivant… et ouvert au public
Depuis 2022, Jean-Louis ouvre son jardin au public. Il ne s’agit pas d’un lieu touristique classique, mais d’une expérience immersive. Le visiteur est accueilli comme un ami, guidé avec passion à travers les différents espaces du Clos, et invité à toucher, sentir, goûter, poser des questions.
Du 15 mai au 31 octobre, il propose chaque vendredi une visite commentée d’1 h 30, où il transmet avec passion les principes de la permaculture, les secrets de ses truffes et l’histoire du lieu. La visite se termine par une dégustation d’un vin du domaine, et les visiteurs repartent souvent avec un panier garni de légumes ou de plantes de saison.
En parallèle, des ateliers thématiques permettent d’aller plus loin : une initiation à la trufficulture avec cavage (recherche des truffes avec un chien) en saison ou une balade gourmande autour de la vigne, du verger et de la truffière, avec dégustation de confitures et sorbets maison ou encore une dégustation de vins bio (2 rouges, 2 blancs) accompagnés de gougères au comté. Des ateliers sur-mesure en préparation, mêlant cueillette, cuisine, jardinage et détente. « Je consacre 35 heures à ce jardin chaque semaine, mais je n’ai jamais l’impression de travailler. C’est un vrai plaisir », affirme Jean-Louis, le sourire aux lèvres.
 
Une immersion sensorielle, humaine et écologique
Entre passion, rigueur et humilité, Jean-Louis Martin a redonné vie à une terre abandonnée, sans jamais trahir son éthique. Il mêle l’amour du terroir à l’envie de transmettre. En visitant le Clos de la Belle Châtelaine, on découvre bien plus qu’un jardin : on entre dans un monde où la nature, le goût et le sens retrouvent leur place. « Ce lieu, c’est la preuve que l’on peut faire autrement, conclut-il. On peut produire, respecter, transmettre… et vivre pleinement. » Il propose aux visiteurs un temps suspendu, une invitation à ralentir, à observer, à sentir. Une manière de redécouvrir ce que « cultiver » veut dire : prendre soin, dans la durée, avec patience, respect et joie.

Jeannette Monarchi

Informations pratiques :
Visite "Le Fabuleux Jardin de Jean-Louis"
Du 15 mai au 31 octobre 2025
Tous les vendredis à 10 h 30 – Durée 1 h 30
Réservations ici
Autres ateliers informations ici