BEAUNE
Beaune - Des collégiens de Gaspard-Monge redonnent vie à l’histoire oubliée des tirailleurs indochinois morts pour la France en 1940
Par Jeannette Monarchi
Publié le 04 Juin 2025 à 08h40

À partir d'une stèle méconnue au cimetière de Beaune, les élèves de 3e1 ont remonté le fil de l’Histoire pour comprendre qui étaient les 18 tirailleurs indochinois morts pour la France. Un travail exigeant mêlant archives, recherche et podcast.
Ils s’appelaient Dang-Dien, Bui-Cuoc ou Hien-Doan. D’autres ne sont connus que par un matricule. Des collégiens de Beaune font revivre leur mémoire, 85 ans après leur mort pour la France. Dans le cadre de l’appel à projets « Routes des mémoires des Justes, des Tsiganes et des tirailleurs pendant la Seconde Guerre mondiale », lancé en 2024 par les académies de Dijon et Besançon – qui s’inscrit dans le plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (2023-2026) -, la classe de 3e1 du collège Gaspard-Monge de Beaune s’est engagée dans un remarquable travail de recherche historique. Leur objectif : redonner un nom, une histoire, une mémoire aux 18 tirailleurs indochinois morts à Beaune les 17 et 18 juin 1940, et dont une stèle commémorative se dresse au cimetière de la ville.
Un projet éducatif ambitieux et rigoureux
Accompagnés de leur professeure d’histoire-géographie Camille Ignart, les 26 élèves de la classe ont choisi de s’intéresser à un pan oublié de l’histoire locale. Info-Beaune.com a rencontré sept élèves, Alejandro, Justine, Julianne, Anthonin, Andréane, Valentine, Léonore pour évoquer le projet.
« Il est rare d’avoir un sujet sur l’histoire de Beaune, confie une élève. Ce projet nous a permis de nous immerger dans un travail de recherche sur un événement qui s’est déroulé ici même. »
Le projet s’inscrit dans le programme d’histoire de 3e, qui aborde la Seconde Guerre mondiale, mais cette fois, c’est par une entrée locale et peu étudiée que les élèves ont découvert cette période. « Nous ne sommes pas habitués à faire ce type de recherches dans le cadre du programme national. C’est intéressant », explique Mme Ignart.
Une enquête de terrain et d’archives
Tout commence en novembre 2024, lorsque la classe se rend au cimetière de Beaune pour découvrir la stèle dédiée aux 18 tirailleurs indochinois morts pour la France. Rapidement, les premières difficultés apparaissent : peu de documents, peu de recherches existantes, des sources rares. Les élèves ont exprimé leur surprise et leur incompréhension face à l’oubli progressif de ces soldats venus d’Asie. Justine a été frappée par le manque d’informations disponibles : « C’est un sujet qui n’a pas été très étudié, il y a très peu de documents. Peu de personnes s’y sont intéressées ».
« Les tirailleurs indochinois ont été commémorés jusqu’aux années 1960. Aujourd’hui, on parle surtout des Français morts en l'Indochine (actuellement Vietnam, Cambodge, Laos) », note Julianne. C’est comme si leur sacrifice avait été éclipsé.
Pour surmonter cela, les élèves s’appuient sur un article de l’ancienne conservatrice des archives municipales, Sonia Dollinger, puis sur les archives municipales, les documents de l’ONAC21, et même les Archives du Progrès.
Rendre visible l’invisible
Grâce à leur travail, les élèves ont pu identifier 5 des 18 soldats : Dang-Dien, Bui-Cuoc, Hien-Doan, Ie-Tuong, Thiong Sô. D’autres ne sont connus que par un matricule anonyme, désignés seulement comme « Annamites ». Pour certains, la date de décès reste incertaine, même si tous sont morts en juin 1940. « Il y a des pistes à creuser, c’est un travail inachevé », constate l’enseignante qui souhaite personnellement aller plus loin sur la présence probable d’une prison pour soldats coloniaux à Beaune appelée « Frontstalags », ces camps de prisonniers français issus des colonies.
Un projet pluridisciplinaire : affiche et podcast à la clé
Organisés en groupes, les élèves ont travaillé à partir des sources historiques et articles scientifiques pour rédiger des synthèses. « Nous avons appris à être rigoureux, à faire des recherches, à écrire, à synthétiser » témoignent plusieurs collégiens. L’ensemble a été compilé dans une grande affiche structurée en quatre parties. Un podcast de quatre minutes a également été enregistré, avec une introduction contextuelle et deux élèves relatant les découvertes faites dans les archives.
La réalisation s’est faite en partenariat avec Mme Jovignot, leur professeure de français. « C’est un gros travail qui a été mené sur un temps court », souligne Mme Ignart. Les notes liées au projet sont facultatives : « Nous voulons valoriser les efforts sans sanctionner les travaux inaboutis ».
Des rencontres et une initiation à la recherche historique
Les élèves ont échangé en visioconférence avec un maître de conférence, et ont pu interroger un doctorant, Alexandre Peyrony, auteur d’une thèse sur le sujet. Ils ont également lu des travaux d’Armelle Mabon ou Dimitri Vouzelle, pour mieux comprendre le rôle des tirailleurs indochinois dans l’armée française.
Ils ont ainsi appris que ces soldats étaient peu nombreux par rapport aux tirailleurs africains, et souvent relégués à des travaux de camp plutôt qu’au combat : « C’est une forme de racisme. On considérait qu’ils étaient plus utiles au travail qu’au front », explique Camille Ignart.
Donner un visage à l’oubli
Ce projet a profondément marqué les élèves. « Nous pouvons être très reconnaissants pour ces personnes venues de loin pour défendre la France », déclare Alejandro. La difficulté majeure ? « Ce n’était pas facile de résumer, de garder l’essentiel. Nous avions beaucoup de sources. Le travail de synthèse a été difficile. »
Pour Camille Ignart, ce projet est une formidable initiation à la recherche historique, mais aussi une aventure humaine : « C’est un travail passionnant et prenant, avec certaines frustrations, mais cela ouvre d’autres pistes », conclut-elle.
Jeannette Monarchi
Pour aller plus loin
Les productions des élèves (affiches, podcasts) sont disponibles sur la plateforme dédiée du rectorat à retrouver ici et les autres projets ici


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