Horizon Hautes-Côtes : un projet pionnier pour cartographier, préserver et développer le vignoble de demain en Bourgogne

Horizon Hautes-Côtes : un projet pionnier pour cartographier, préserver et développer le vignoble de demain en Bourgogne
Les partenaires techniques et financeurs se sont retrouvés mercredi 26 novembre à Beaune pour le lancement officiel du projet « Horizon Hautes-Côtes »

C’est une première en Bourgogne et en France : réunir scientifiques, vignerons, collectivités, naturalistes et institutions autour d’une même carte, pour décider où et comment planter la vigne de demain.

Ce mercredi matin, à la Maison du Vignoble de la CAVB, le monde viticole avait des allures de laboratoire du futur. L’Organisme de Défense et de Gestion (ODG) des Hautes-Côtes de Beaune et de Nuits, présidé par Nicolas Thevenot, a officiellement lancé Horizon Hautes-Côtes, un projet inédit de cartographie stratégique, destiné à préparer le vignoble face aux enjeux climatiques, environnementaux et économiques du XXIᵉ siècle. Autour de lui : Région Bourgogne–Franche-Comté, Comité Bourgogne, INAO, Natura 2000, experts agronomes, techniciens des collectivités, syndicats viticoles et représentants des 47 communes concernées. « Nous entrons dans le vif du sujet après deux ans de préparation, a annoncé Nicolas Thevenot en ouverture. Nous avons deux fois plus de demandes de plantations sur les Hautes-Côtes aujourd'hui. Il nous fallait un outil pour anticiper, plutôt que subir. »
 
Un vignoble en plein essor, face à des enjeux majeurs
Longtemps considérées comme une arrière-cour des prestigieuses Côtes de Beaune et de Nuits, les Hautes-Côtes connaissent depuis vingt-cinq ans un essor spectaculaire.
Quelques chiffres le confirment : 1 838 ha plantés aujourd’hui, 2 400 ha encore disponibles (56 % du territoire), +2,3 % de croissance des surfaces plantées par an, 85 % du territoire situé en zone Natura 2000, 13 % de la production de rouge de toute la Bourgogne.
L’altitude — entre 320 et 450 m — jadis un handicap, devient désormais une opportunité avec le réchauffement climatique (+1 à +2,5°C constatés) : les vins gagnent en équilibre, en fraîcheur, en maturité.
« Les Hautes-Côtes sont un vignoble de reconquête depuis le phylloxéra, a expliqué Boris Champy, vigneron et président de la commission du projet au sein de l’ODG. Nous bénéficions du succès global de la Bourgogne, d’un foncier plus accessible et disponible, et du climat qui évolue favorablement. Mais nous devons maîtriser cette croissance. Le projet Horizon Hautes-Côtes nous permettra de développer, oui, mais de développer mieux en conciliant développement viticole, protection de la biodiversité, évolution climatique et préservation des paysages dans un territoire en pleine dynamique. »
 
Horizon Hautes-Côtes : un outil cartographique unique en France
Le projet repose sur une démarche en deux phases :
1. Phase pilote (2025–2026) à Nantoux et Meloisey
Objectif : tester la méthodologie en croisant cartographies, climats, sols, biodiversité et concertation locale.
2. Déploiement global (2026–2027)
Sur les 47 communes des Hautes-Côtes de Beaune et de Nuits, soit près de 26 000 ha.
Un croisement inédit de données : sols, climat, biodiversité, paysages, urbanisme

Des sols au climat, diverses données analysées dans le détail
« Les caractéristiques du sol et du sous-sol déterminent la qualité de la vigne et du raisin, rappelle Emmanuel Chevigny (ADAMA). Nous cartographions pentes, altitudes, types de sols, réserves utiles, risques érosifs… pour identifier les atouts et les limites de chaque parcelle. »
Une analyse climatique actuelle et future sera également effectuée grâce à l’installation de capteurs en fin d’année 2025 sur les vignes de la zone pilote comme l’ont précisé les équipes de VINEIS et de Benjamin Bois Conseil afin d’effectuer des mesures des températures jusqu’en octobre 2026, des risques de gel ou de brûlure, contraintes hydriques, exposition et rayonnement solaire, pour une modélisation climatique projetée à 2050. « L’objectif est de savoir où la vigne mûrit bien aujourd’hui… et où elle mûrira encore demain », explique Benjamin Bois.


Un enjeu environnemental majeur : Natura 2000
« Notre territoire est l’un des plus riches de Bourgogne pour la biodiversité », rappelle Lara Chatard, chargée de Mission Natura 2000) au sein de la communauté d’agglomération Beaune Côte & Sud. Pelouses calcaires, forêts, landes, friches, espèces protégées… 60 000 ha sont concernés. « Les vignerons nous demandent un zonage précis des secteurs à enjeux pour mieux anticiper leurs projets. Horizon Hautes-Côtes va enfin le permettre. »
 
Une démarche collaborative saluée par les institutions
Les partenaires n’ont pas caché leur enthousiasme. La Région est cofinanceur du projet à hauteur de 58 500 €, région représentée par Stéphanie Modde et Christian Morel qui ont souligné un projet « visionnaire » : « Horizon Hautes-Côtes est une démarche pionnière, collective, qui prépare la viticulture aux impacts du changement climatique » pour Stéphanie Modde, vice-présidente à la transition écologique « C’est un projet qui coche toutes les cases du développement durable : économie, climat, biodiversité » relate Christian Morel, vice-président à l’agriculture
 
Le Comité Bourgogne (ex-BIVB) : un projet exemplaire
Pour Laurent Delaunay, coprésident du Comité Bourgogne également cofinanceur à hauteur de 52 580 , « c’est un projet exemplaire. Les Hautes-Côtes profitent d’une reconnaissance nouvelle. Ce travail multicalque permettra d’aller plus haut, plus loin, mais toujours dans le respect du paysage et de la biodiversité ».
 
La CAVB : un outil pour simplifier la vie des vignerons
Thiebault Huber, président de la CAVB, a insisté : « ce projet va dans le sens de la simplification. Les vignerons dépensent des fortunes en études pour savoir s’ils peuvent planter. Horizon Hautes-Côtes va leur donner un outil clair et partagé ».
 
Une méthodologie rigoureuse et un calendrier précis
Enfin, Rémi Landois, expert SIG (systèmes d’information géographique), aura pour mission de croiser, structurer et mettre en forme l’ensemble des données produites dans le cadre du projet Horizon Hautes-Côtes : cartes pédologiques, zonages climatiques, données environnementales, cadastre, enjeux paysagers ou encore informations Natura 2000. Il développera un outil cartographique unique, consultable à l’échelle de la parcelle, permettant de visualiser les potentialités viticoles et les contraintes environnementales,
d’aider les vignerons à orienter leurs projets de plantation, de fournir une base de travail robuste pour la révision future de la délimitation des AOC.
En synthèse, Rémi Landois est le chef d’orchestre de la cartographie, celui qui assemble les couches, harmonise les données et transforme une masse d’informations en un outil stratégique opérationnel.

Vers une révision du périmètre des AOC ?
C’est l’un des enjeux majeurs, évoqué pour la première fois publiquement : « Quand nous aurons cette cartographie, nous serons en mesure de repenser les limites de l’appellation. Peut-être monter plus haut. Peut-être redéfinir des zones. L'idée n'est pas de planter plus, mais de planter mieux » relate Nicolas Thevenot, président de l’ODG.
Cette perspective ouvre la voie à un ajustement historique de la cartographie viticole bourguignonne, à l’heure où le climat redessine les équilibres.
L’adhésion est forte : les viticulteurs ont accepté une augmentation de 50 % de leur cotisation ODG pour financer le projet.
 
Un projet qui trace les contours du vignoble de 2050
Au-delà des cartes, Horizon Hautes-Côtes pose les bases d’une vision collective :
un vignoble résilient, un développement maîtrisé, des paysages préservés, une biodiversité protégée, une adaptation climatique anticipée.
Un premier Carnet de bord, distribué à la fin de la rencontre, permet déjà de comprendre les principes, les enjeux et les prochaines étapes. Deux autres suivront, jusqu’aux conclusions finales.
À travers Horizon Hautes-Côtes, les vignerons et les institutions bourguignonnes inventent un nouvel outil : non plus une carte figée, mais un instrument de dialogue, un outil d’aide à la décision, une vision partagée du vignoble de demain. Un projet d’avenir, profondément ancré dans la tradition… et résolument tourné vers 2050.

Jeannette Monarchi

Les étapes du projet
Novembre 2025 : lancement, désignation des communes pilotes.
2025–2026 : cartographies (ADAMA), zonage climatique (VINEIS), données biodiversité (Natura 2000), études paysagères (École de Versailles).
Janvier–mars 2026 : analyse et concertation locale.
Avril 2026–janvier 2027 : déploiement sur les 47 communes.
Fin 2027 : publication des résultats et réflexion sur la révision de la délimitation AOC en lien avec l’INAO.