Vins de Bourgogne : stabilité, stratégie et audace dans un contexte incertain

Millésime 2025 plein de promesses, exportations en hausse, campagnes de communication primées : la filière des vins de Bourgogne aborde l’avenir avec confiance, tout en gardant les pieds sur terre.

Ce lundi 6 octobre, à la Cité des Climats et des Vins de Beaune, le Comité Bourgogne (ex-Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne - BIVB) a tenu sa conférence de presse de rentrée. Dans un contexte politique et économique instable, la filière des vins de Bourgogne affiche à la fois sérénité et ambition. Entre vendanges prometteuses, marchés export toujours solides et reconnaissance pour ses campagnes de communication, les présidents Laurent Delaunay et François Labet ont esquissé les contours d’une Bourgogne confiante mais vigilante.
 
Une rentrée sous le signe de la stabilité et de la responsabilité
Face à une conjoncture nationale mouvementée — marquée par la démission du Premier ministre et la formation d’un nouveau gouvernement —, Laurent Delaunay a tenu à rappeler le rôle économique de la filière : « Nous ne faisons pas de politique, mais il est de notre responsabilité d’appeler nos dirigeants à plus de stabilité. Le Comité Bourgogne représente plus de 3 800 entreprises de production et de négoce. Cette instabilité est nuisible et perturbante sur les marchés internationaux, alors que le contexte est déjà difficile pour le marché français ».
Un message clair : la Bourgogne du vin, secteur d’excellence et d’exportation, attend un environnement plus prévisible pour continuer à se développer.
 
Vendanges 2025 : un millésime prometteur malgré les caprices du ciel
L’année viticole 2025 s’annonçait sous les meilleurs auspices avant qu’une météo capricieuse ne vienne bousculer les vendanges. Débutées le 18 août, elles ont été menées en deux temps en raison des pluies de fin d’été. Si les volumes sont contrastés selon les secteurs, la qualité reste remarquable (les chiffres globaux de la récolte du millésime 2025 ne seront connus que dans quelques semaines).
François Labet résume : « Nous sommes passés tout près d’une très grande année. Ce qui fera la différence, c’est souvent la date de vendange ». La saison aura connu tous les excès : épisodes de grêle dans le Mâconnais et l’Yonne, mildiou localisé, puis canicule de juin et d’août atteignant les 38°C en Côte-d’Or. « Seuls ceux qui vivent dans un bureau ovale et climatisé peuvent encore nier le dérèglement climatique, ironise François Labet, en référence au climatoscepticisme de Donald Trump. La vigne souffre, mais la résilience du terroir reste notre force ».
Résultat : des raisins sains, concentrés, aux rendements plus faibles mais porteurs d’un potentiel qualitatif indéniable. Les premiers jus en cave se distinguent par leur fraîcheur et leur équilibre. Les pinots noirs s’annoncent soyeux et élégants, les chardonnays – notamment de Chablis et du Mâconnais – particulièrement prometteurs. « Ce sera peut-être un millésime du niveau de 2020, mais il donnera beaucoup de plaisir dans le verre », conclut François Labet.

Un marché français qui résiste, un export en pleine forme
Malgré un contexte international sous pression, la Bourgogne continue de tirer son épingle du jeu. Laurent Delaunay a présenté des chiffres solides : « Les ventes sont étonnamment bonnes par rapport à la situation économique. Les exportations progressent de +5,6 % en volume et +2,7 % en valeur sur les sept premiers mois de 2025. Nous avons dû ajuster certains prix, mais la Bourgogne reste la seule région française à maintenir une orientation positive ».
Les stocks, eux, demeurent rassurants après une petite récolte 2024 estimée à 1,2 million d’hectolitres — soit 161 millions de bouteilles, la deuxième plus faible depuis 15 ans. Les bons volumes de 2022 et 2023 assurent aujourd’hui la continuité. « Nous aurons suffisamment de vin pour passer l’année », a assuré Laurent Delaunay.
 
Les vins de Bourgogne résistent sur le marché français
Dans un contexte de consommation de vin en repli, les vins de Bourgogne tirent leur épingle du jeu. Malgré un environnement économique incertain et un tassement global des ventes, la région affiche encore une légère progression en grande distribution : +0,7 % en volume et +0,4 % en chiffre d’affaires sur les huit premiers mois de 2025.
Cette performance s’explique par la fidélité d’une clientèle à fort pouvoir d’achat et par la bonne santé des marques et marques de distributeur (MDD), qui représentent ensemble près de 85 % des achats. Les premières progressent de +3,2 % en volume, les secondes de +2 %, preuve d’un attachement à des vins de qualité, mais proposés à des prix maîtrisés.
Certaines appellations phares confirment leur dynamisme. Le Bourgogne blanc gagne +7,4 % en volume, le Chablis progresse encore (+1,2 %), tandis que le Petit Chablis s’envole avec +14,8 %. Le Crémant de Bourgogne, lui, poursuit son ascension avec +3,7 % en volume et +4,6 % en valeur, séduisant une nouvelle génération de consommateurs en quête de fraîcheur et de convivialité.
Si la consommation globale de vin poursuit sa baisse en France, la Bourgogne reste une valeur refuge. Portée par la diversité de ses terroirs, la montée en gamme de ses cuvées et la solidité de ses marques, elle s’impose comme un repère pour les amateurs exigeants et un pilier du marché national.
 
Les marchés à l’export : vigilance sur les États-Unis, élan nordique
Les États-Unis demeurent le premier marché d’exportation avec 22 % des volumes. Mais les tensions commerciales inquiètent : le retour d’une surtaxe de 15 % depuis août 2025 (+ 4% avant), sous la présidence Trump, s’ajoute à une dévaluation du dollar de 14 %. « Pour les importateurs, c’est l’équivalent d’une hausse de 25 % des coûts. Même en baissant nos prix, cela restera difficile », concède Laurent Delaunay.
La Bourgogne s’appuie donc sur la diversification. Le « Club des Cinq » — États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Suède et Belgique — voit désormais la Suède prendre une place croissante, preuve du dynamisme nordique, alors que le Japon en sort. « Nous sommes présents dans 177 pays, mais il faut continuer à conquérir de nouveaux marchés. Cela demande du temps : il a fallu 70 ans pour installer la Bourgogne aux États-Unis. Nous appelons l’Union européenne à avancer sur les accords de libre-échange, notamment avec l’Inde et le Mercosur. L’Afrique peut également être une source de développement. »
 
Communication : la Bourgogne récompensée pour son audace
Autre motif de fierté : la communication du Comité Bourgogne connaît un succès inédit.
La campagne « Tellement vins de Bourgogne / Tellement Chablis », lancée fin 2024, a remporté deux prix majeurs : le Trophée Or du Grand Prix Com&Médias 2025 (catégorie Campagne Print), et le Trophée Bronze au Grand Prix Stratégies de la Communication (Communication d’entreprise et collectivités).
Une première historique pour l’interprofession, qui prouve qu’audace créative et respect de la loi Evin peuvent cohabiter. « Cette distinction montre qu’on peut faire rêver sans transgresser », s’est félicité Michel Barraud, coprésident du pôle Marketing et Communication. La campagne, signée Publicis, visait à rajeunir l’image des vins de Bourgogne et à séduire la génération des 25-40 ans. Elle sera reconduite cette année.
 
La websérie « Les Astuces Dégust’ » : la Bourgogne décomplexée
Dans la même lignée, le Comité Bourgogne lance une saison 2 de sa websérie pédagogique et humoristique « Les Astuces Dégust’ », diffusée à partir du 6 octobre sur Instagram, Facebook, YouTube et LinkedIn.
Portée par Maxime Dubois, sommelier et Formateur Officiel des Vins de Bourgogne, la série vise à désacraliser la dégustation tout en transmettant des connaissances sérieuses.
Six nouveaux épisodes aborderont les Climats, les cépages emblématiques, les accords mets-vins et les 50 ans du Crémant de Bourgogne. « L’objectif est de parler du vin avec humour, naturel et légèreté, tout en restant rigoureux », précise Dubois, dont les vidéos totalisent déjà plus de 16 000 vues par épisode.
 
Perspectives et rendez-vous
Laurent Delaunay a clôturé la conférence en dévoilant les grands rendez-vous à venir :
Fête des Grands Vins de Bourgogne à Beaune, les 14 et 15 novembre 2025 ; 165e Vente des Hospices de Beaune, le 16 novembre ; Assemblée générale du Comité Bourgogne, fin janvier 2026, marquée par l’élection de deux nouveaux coprésidents. François Labet ne se représentera pas après 8 ans de mandat, tandis que Laurent Delaunay briguera un second mandat pour le négoce, aux côtés de Michel Barraud, viticulteur dans le Mâconnais et président de la Cave des Vignerons des Terres Secrètes à Prissé. Et en mars 2026, le grand retour des Grands Jours de Bourgogne (du 9 au 13 mars).
 
Une Bourgogne lucide mais conquérante
Entre un millésime 2025 plein de promesses, un marché export solide malgré les turbulences, et une communication moderne et saluée, la Bourgogne s’affirme comme un modèle de résilience et d’adaptation. « Nous ne restons pas les deux pieds dans le même sabot », résume avec humour Laurent Delaunay.
Un credo qui pourrait bien définir toute la philosophie de la région : fidèle à ses racines, mais tournée vers l’avenir.

Jeannette Monarchi