BOURGOGNE

La Région lance son marathon budgétaire 2026 entre crises agricoles et contraintes nationales

La Région lance son marathon budgétaire 2026 entre crises agricoles et contraintes nationales
© Région BFC – Océane LAVOUSTET

Entre crise sanitaire agricole, tensions financières et affrontements politiques, la Région a entamé l’étude d’un budget 2026 que son président Jérôme Durain qualifie de “rigoureux, mais pas de rigueur”.

La Région Bourgogne–Franche-Comté a entamé ce jeudi matin deux jours de session plénière consacrés en grande partie au vote du budget primitif 2026. Une séance d’ouverture dense, marquée par les enjeux agricoles, les tensions financières nationales et les premiers marqueurs politiques du mandat de Jérôme Durain.
 
Un hommage initial et une assemblée très attentive au contexte
Avant d’entrer dans le cœur des débats, le président de Région a rendu hommage à Jean-François Humbert, ancien président de la collectivité, salué pour son engagement, son sens de l’État et son attachement à la région. L’hémicycle a observé un moment de recueillement.


Le climat général de la séance a été d’emblée empreint de gravité. La dermatose nodulaire contagieuse, maladie bovine en progression dans le Doubs, a occupé d’importantes minutes de l’ouverture. Jérôme Durain a tenu à exprimer « la solidarité pleine et entière » de la Région envers les éleveurs touchés, rappelant que la stratégie utilisée en Savoie avait permis d’arrêter la propagation : « Personne ne doit souffler sur les braises pour rassurer les éleveurs et sortir de la crise le plus vite possible », a-t-il déclaré, appelant à éviter toute récupération politique.
Un rapport d’urgence, destiné à compléter les dispositifs de l’État et à accélérer l’accompagnement des filières, doit être voté dans la journée avec une enveloppe de 300 000 €.
 
Un budget 2026 sous pression nationale
Jérôme Durain a ensuite introduit ce qu’il a qualifié de « nouvelle étape du marathon budgétaire », avec un budget profondément marqué par les décisions nationales :
« La facture de 55 millions d’euros est intégrée à ce budget », a-t-il rappelé, évoquant les ponctions imposées aux Régions dans le cadre du redressement des comptes publics.
Le président assume cependant une ligne politique claire : « Ce n’est pas un budget idéal, mais un budget qui conserve le volontarisme régional. Un budget rigoureux, mais pas un budget de rigueur ».
Selon lui, la bonne gestion des années précédentes permet de préserver l’essentiel : mobilité, lycées, formation, économie, agriculture, transition énergétique et cohésion des territoires.
 
Mobilité, lycées, formation : les grands piliers maintenus
Malgré les fortes contraintes, plusieurs priorités sont sanctuarisées, telles que le maintien de l’offre de mobilité.  Jérôme Durain insiste sur un point : « Notre offre de mobilité est préservée alors que d’autres régions ont dû réduire les dessertes ». Un effort notable alors même que SNCF Réseau continue d’augmenter le coût des péages.
La Région maintient un niveau d’investissement très élevé pour les lycées à hauteur de 120 M€ en 2026 : sécurisation des établissements, modernisation des locaux, transition énergétique, qualité de vie des lycéens.
En 2026, la Région prévoit d’acheter moins d’heures de formation mais de revaloriser la rémunération des stagiaires, notamment pour les jeunes de moins de 26 ans, avec des conditions plus favorables que les dispositifs nationaux.
Le président a fortement insisté sur ce qu’il considère comme la “clé de voûte” du budget : la souveraineté régionale. 220 M€ seront mobilisés pour l’économie, dont 80 M€ en prêts, garanties ou investissements directs pour soutenir l’innovation : « Des idées, des innovations, il y en a en Bourgogne–Franche-Comté. La Région continuera à les accompagner ».


Le soutien aux filières bovines et ovines est réaffirmé, tout comme une refonte de la méthode d’accompagnement après les tensions liées au Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Jérôme Durain reconnaît que « le Feader a laissé des traces. Il faut revoir la méthode : plus d’écoute, plus de transparence, plus d’humanité ».
Concernant la transition énergétique, la Région mise sur : la réduction de la dépendance aux énergies fossiles, la rénovation du bâti, le développement des énergies renouvelables et les circuits courts de production énergétique.
 
Sécurité, solidarité et valeurs républicaines
Le budget 2026 intègre 2 M€ supplémentaires pour la sécurisation des lycées, la lutte contre les trafics et la prévention des addictions. 25 M€ sont prévus pour les contrôles dans les trains et la lutte contre la fraude. La Région renforce aussi son action en faveur des familles, des étudiants, des ménages fragiles et des territoires ruraux.
Jérôme Durain conclut en soulignant la dimension civique de l’action régionale : « La laïcité est notre héritage. Elle fonde notre capacité à vivre ensemble ».

Les prises de parole des présidents de groupe : un hémicycle animé

1

Jean-Marie Sermier, président du groupe Rassemblement de la droite, du centre et des écologies indépendants :  “Un budget difficile qui pèse sur ceux qui travaillent”
Jean-Marie Sermier a d’abord rendu hommage au monde agricole, « en première ligne et pourtant en difficulté », rappelant que certains exploitants attendent toujours leurs aides. S’il salue l’aide régionale pour la dermatose, il appelle à « simplifier la vie des agriculteurs » plutôt que de la complexifier. Sur l’économie, il décrit une situation préoccupante : bâtiments en recul, filière automobile sous pression. Selon lui, la Région doit aider les entreprises à traverser une mutation « intenable pour beaucoup ». Il critique ensuite les contraintes imposées par l’État — 55 M€ en moins — mais aussi les choix de la majorité, accusée d’avoir « alourdi la barque » par des hausses fiscales et un recours accru à l’emprunt. Il pointe une baisse de 60 M€ en investissement et un fonctionnement « trop élevé ». Pour conclure, il appelle la Région à prioriser « l’économie réelle, les entreprises, les agriculteurs et le quotidien des habitants », avertissant : « à force d’alourdir la pioche, vous allez alourdir le dos de ceux qui travaillent ».

2

Julien Odoul (Rassemblement national) : une charge virulente contre la majorité et les partis traditionnels
Julien Odoul a choisi un ton volontairement provocateur pour dénoncer ce qu’il décrit comme un « conte de Noël » politique, visant principalement la majorité régionale et ses alliés nationaux. Concernant le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale, il attaque d’abord le Parti socialiste, qu’il accuse d’avoir « pactisé avec le macronisme », tout en estimant que Les Républicains « ont cessé d’être un parti d’opposition ». Il appelle d’ailleurs leurs électeurs à rejoindre le RN. Sur le fond budgétaire régional, le président du groupe Rassemblement national reproche à la majorité l’absence d’économies réelles et une taxation accrue, notamment via la taxe sur les cartes grises, particulièrement injuste selon lui dans une région où « la voiture reste indispensable ». Il accuse par ailleurs l’exécutif régional de constituer un « budget de campagne », évoquant une « réserve présidentielle » de 1,5 million d’euros destinée, selon lui, à avantager des soutiens politiques en vue des prochaines échéances. Julien Odoul conclut en estimant que la majorité est « déconnectée des réalités » et en affirmant que la « véritable fierté régionale » ne pourra, selon lui, être portée que par le Rassemblement national.

3

Denis Thuriot (Élus progressistes) appelle à un budget “de clarté et de courage”
Denis Thuriot, a salué « l’effort des députés responsables » face à ceux qui, selon lui, « préfèrent le chaos ». Il a plaidé pour que le budget régional 2026 ne soit pas un budget de renoncement, mais un budget d’engagement, recentré sur les compétences essentielles de la Région. Il a rappelé que la situation du monde agricole demeure « intenable » et que les promesses régionales doivent désormais être « suivies d’effets ». Il appelle à davantage d’humilité et d’unité pour répondre à une profession « dont la coupe est bien trop pleine ». Il a également évoqué les difficultés persistantes du transport scolaire, soulignant les alertes de nombreuses familles.
Denis Thuriot a conclu sur une note optimiste en saluant la réussite de Sophie Adenot, deuxième femme astronaute issue de Bourgogne-Franche-Comté après Claudie Haigneré, un exemple qui, selon lui, invite « toute une génération à viser les étoiles ».

4

Claire Mallard (groupe Écologistes et solidaires) appelle à « prévention et sagesse » face à la crise de la dermatose du cheptel
Claire Mallard appelle à « une concertation digne » face au retour de la dermatose qui touche les cheptels, une contagion « favorisée par le réchauffement climatique et certaines évolutions génétiques ». Plutôt que des « actions agressives », elle plaide pour la prévention et l’adaptation, rappelant que « les professionnelles cumulent déjà les difficultés ». La majorité prévoit d’ailleurs une aide pour reconstituer les cheptels touchés, une crise qui « exige modération et sagesse ».
Évoquant l’effort régional de 55 M€ pour contribuer au redressement des finances de l’État, elle reconnaît : « C’est rude ». Elle soutient aussi la stratégie du numérique responsable fondée sur le réemploi. Enfin, elle estime que les priorités européennes — logement, santé, culture — « correspondent aux nôtres ».


 

5

Muriel Ternant (groupe des élus communistes et républicain) dénonce la priorité donnée au budget militaire et défend le rôle essentiel du service public
Elle salue « l’effort de la collectivité » face à la dermatose, rappelant que les agriculteurs « ont besoin d’un horizon stable ». Dénonçant les « guerres agricoles, économiques et budgétaires », elle critique l’augmentation des crédits militaires, devenus pour la première fois « le premier budget de France, devant l’éducation et la formation ».
Elle regrette le retrait de l’État, qui « affaiblit la formation professionnelle », et se dit attentive aux évolutions du projet de loi de finances concernant les aides aux collectivités. Elle défend une motion pour abroger la hausse des tarifs de mobilité, afin de ne pas fragiliser les budgets locaux. Pour elle, « le développement du service public reste la meilleure réponse pour surmonter les crises ».

6

Hicham Boujlilat, vice-président et président du groupe Notre Région par cœur, défend un budget “sérieux et ambitieux” face aux retraits de l’État et aux “coupeurs idéologiques”
Il rappelle que « vivre en paix », fondement de notre humanité, passe par la laïcité et les valeurs républicaines, « universelles et sans frontières ». Il souligne les nombreuses initiatives régionales, comme la charte de la laïcité. À propos du budget — le premier du président et le cinquième du mandat — il évoque un exercice « contraint par l’État » mais « sérieux, cohérent et ambitieux ». Il déplore des fractures idéologiques dans l’hémicycle et s’en prend à Julien Odoul, « qui se croit à l'assemblée nationale ou sur un plateau TV ». Il explique la méthode : « faire le dos rond » dans un contexte où la Région a perdu ses leviers fiscaux et ne maîtrise plus que 10 % de ses recettes. Malgré la flambée des énergies et la sortie de crise sanitaire, « nous avons tenu nos investissements sans laisser personne de côté ».
Face aux demandes de la droite de réduire le fonctionnement, il interroge : « Quels postes voulez-vous supprimer ? Sans toucher aux tarifs, aux investissements ou à la culture ? »
Il dénonce le désengagement de l’État dans de nombreux domaines (formation, ferroviaire, sanitaire, sports, culture), tout en demandant aux Régions de compenser. Il critique aussi le RN qui, selon lui, ferait perdre 57 M€ à la Région via la transformation de la TVA, tout en réclamant une baisse des cartes grises : « Une mise en faillite déguisée ».
À ceux qui prônent des coupes, il demande : « Vous supprimez quoi ? Les travaux dans les lycées ? Les trains ? Le soutien aux collectivités ? ».
Tout en ironisant sur un amendement RN de 75 000 € pour financer des DAB dans 3 500 communes, qu’il compare à une « tombola ». Pour lui, le budget 2026 reste un « pôle de stabilité », maîtrisant le fonctionnement tout en maintenant un haut niveau d’intervention publique.
Il oppose enfin « ceux qui rejettent et divisent » à « ceux qui construisent », le camp de la région fière de ses atouts et de celles et ceux qui la font vivre : l’objectif du budget.

Le président clôt les échanges en répondant au RN : « Ne racontez pas de tels contes à des enfants, vous allez leur faire peur ». Il dénonce leur vision « sombre voire rance » de la région et réaffirme la volonté de dialogue, notamment sur les enjeux agricoles et les transports scolaires.
Avant la présentation détaillée du budget par le vice-président Nicolas Soret et des 35 autres points à l’ordre du jour, le président a salué la remarquable performance des jeunes sportives du lycée Hippolyte-Fontaine, médaillées de bronze au Mondial de futsal scolaire à Brasilia.

Jeannette Monarchi