BOURGOGNE
Former pour un nouveau départ : la Bourgogne-Franche-Comté investit dans l'avenir des détenus
Par Jeannette Monarchi
Publié le 12 Juin 2024 à 07h33
La Région Bourgogne-Franche-Comté et la Direction interrégionale des Services pénitentiaires renouvellent leur partenariat pour la formation professionnelle des détenus. Ce programme, qui a déjà formé plus de 4 200 personnes depuis 2015, vise à favoriser la réinsertion en proposant des formations certifiantes adaptées aux besoins du marché du travail. Avec un budget de plus d'un million d'euros, cette initiative souligne l'importance de l'éducation et de la formation dans la prévention de la récidive. Découvrez les détails de cette convention et les témoignages des bénéficiaires.
Mardi dernier à la Maison d'Arrêt de Dijon, Isabelle Liron, Vice-Présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté en charge de la formation professionnelle, et Guillaume Piney, Directeur interrégional des Services pénitentiaires, ont signé une nouvelle convention de partenariat pour la formation professionnelle des personnes détenues. Ce renouvellement, effectif pour 10 ans, vise à renforcer et structurer les dispositifs de formation au sein des établissements pénitentiaires de la région.
La formation des personnes sous main de justice (PSMJ) est une compétence transférée de l'État aux régions par la loi du 8 mars 2014. Depuis le 1er janvier 2015, la région finance et organise la formation professionnelle dans les maisons d'arrêt* - qui accueillent des prévenus en attente de jugement aux condamnés purgeant de courtes peines (inférieures à deux ans) -, et depuis le 1er janvier 2016, dans les établissements pour peine : le Centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand et le Centre de détention de Joux-la-Ville.
Objectifs et enjeux de la convention
Cette convention, initiée par la loi du 5 mars 2014, a pour but de définir les orientations générales de la politique de formation des détenus, mettre en place les modalités de collaboration entre la Région et l’administration pénitentiaire et déterminer les financements des dépenses de fonctionnement et d’investissement. Les objectifs fixés par le ministère de l'Intérieur visent à atteindre un taux de 50 % de détenus engagés dans des programmes de travail ou de formation professionnelle rémunérés d'ici 2025.
Un public diversifié
Chaque établissement est équipé d'un centre scolaire qui propose des formations adaptées aux besoins du marché du travail local sous la supervision du Major Eric. Au cours des dix dernières années, 340 actions de formation ont été planifiées et réalisées dans les 10 établissements pénitentiaires de la région, formant ainsi 4 200 détenus, avec 54 actions en 2023 (formant 592 personnes) et plus de trente actions prévues en 2024. Ces formations concernent notamment des métiers dans le bâtiment, la maintenance, l'électricité, la cuisine, la propreté et la peinture. Parmi les détenus formés, 10 % sont des femmes et 27,51% ont moins de 26 ans.
Dispositifs et formations proposés
Les actions de formation certifiantes telles que les Titres professionnels et CAP (Agent magasinier, Cuisinier, Agent de propreté et d'hygiène, Peintre en bâtiment) sont prioritaires. La certification CléA, axée sur les compétences de base et transverses, est également mise en œuvre. La convention prévoit des visites d’entreprises et de plateaux techniques en milieu ouvert pour favoriser la réinsertion des détenus.
Les stagiaires reçoivent une rémunération d'environ 230 € par mois, soit trois euros de l'heure net, conforme aux normes de la région Bourgogne Franche-Comté, avec pour objectif principal d'indemniser les victimes. De plus, la participation active à ces formations peut permettre une réduction de peine tout comme la bonne conduite.
Budget et financement
Le budget alloué à ces formations provient principalement d'un transfert de crédits de l'État, s'élevant à 995 000 €. En 2023, les dépenses se sont élevées à 1 700 000 €, incluant 1 360 000 € pour le fonctionnement et 340 000 € pour la rémunération des stagiaires. En 2024, en raison de contraintes budgétaires, le budget est réduit à 1 030 000 € pour le fonctionnement et 250 000 € pour la rémunération. Le budget prévisionnel pour 2025 est fixé à 995 000 €, avec 250 000 € supplémentaires pour la rémunération.
Isabelle Liron a déclaré : « Ces formations vont permettre aux détenus, à leur sortie, d'aller vers le monde du travail avec des compétences dans des domaines variés comme le bâtiment, la maintenance, l'électricité, la cuisine et l'hygiène. Nous allons continuer à collaborer avec nos partenaires institutionnels traditionnels comme France Travail, l'Éducation nationale, les missions locales et Cap Emploi ».
Guillaume Piney a ajouté : « ces formations dispensées aux détenus sont essentielles pour prévenir la récidive et réduire les comportements nuisibles à la société. Il est crucial de minimiser le risque de récidive pendant l'exécution de la peine, voire même avant, durant la période de détention provisoire. Ce temps en prison doit être une période de prise de conscience de sa responsabilité et de réflexion sur son avenir. Il est crucial de leur offrir des perspectives et de les préparer à une réinsertion réussie ».
Partenariat et coordination
La convention prévoit une intervention financière complémentaire entre la Région et la DISP : la Région finance les dépenses de fonctionnement tandis que la DISP couvre les dépenses d'investissement. Une collaboration étroite avec les Responsables locaux de formation professionnelle, l'Éducation nationale, le SPIP, France Travail et les missions locales est essentielle pour garantir l’efficacité des formations et accompagner les détenus dans leur réinsertion.
Jeannette Monarchi
* 10 établissements pénitentiaires en BFC : 8 maisons d'arrêt (Dijon, Besançon, Montbéliard, Lons-le-Saunier, Nevers, Vesoul, Auxerre, Belfort) et 2 établissements pour peine (de deux à 10 ans et plus), incluant celles pour délits sexuels (Centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand et centre de détention de Joux-la-Ville).
A lire également : Maison d'Arrêt de Dijon - Une institution face aux défis de la surpopulation carcérale et au sous-effectif
Témoignages de détenus
Quatre détenus ont partagé leur expérience de la formation Clea, axée sur la remise à niveau en français, en mathématiques et en informatique. Pour l'une d'entre elles, présente en détention depuis neuf mois, cette formation a été une bouée de sauvetage pour combler d'importantes lacunes accumulées pendant ses dix années passées dans la rue. Appréciant le travail en groupe et le respect mutuel, elle aspire désormais à devenir assistante de vie et à reprendre le chemin du travail après sa sortie, trouvant dans cette perspective un moyen de lutter contre sa dépression.
La deuxième détenue, incarcérée depuis 18 mois, témoigne également des bienfaits de cette formation. Se levant tôt chaque matin, elle a trouvé dans les cours 6 h/jour et sur deux mois, une échappatoire à la monotonie de la vie carcérale. En parallèle, elle a suivi un brevet de secourisme et envisage désormais de travailler dans le domaine de l'aide à domicile.
Pour la troisième détenue, incarcérée depuis 2023 avec encore 30 mois à purger encore, la formation a été une opportunité pour se recentrer sur son bien-être et acquérir des compétences en informatique qui lui seront utiles dans son futur emploi d'auxiliaire de vie à domicile.
Enfin, un quatrième détenu souligne l'aspect financier de la formation, qui lui permet de soulager son père en contribuant financièrement aux dépenses quotidiennes. Pour lui, les journées en prison prennent un rythme plus structuré grâce à ces cours. Ayant obtenu un brevet de secourisme, il se sent mieux préparé pour réintégrer le monde professionnel en tant que préparateur de commande numérique.
Malgré ces réussites individuelles, les défis persistent à la sortie de détention, notamment en ce qui concerne le logement et la mobilité pour les personnes urbaines, comme devait le préciser une juge d’application des peines. Le manque de structures d'accueil adéquates représente une véritable difficulté pour les personnes sortant de prison, compromettant souvent leurs projets de réinsertion professionnelle.
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