BEAUNE
Livre - « J’étais du bataillon des enfants perdus » de Boris Martin : un retour émouvant sur son enfance placée à Beaune
Par Jeannette Monarchi
Publié le 16 Février 2025 à 09h00

Boris Martin, journaliste, écrivain et ancien enfant placé, a grandi à Beaune avant de se construire ailleurs. Dans « J’étais du bataillon des enfants perdus », il explore les souvenirs et les questionnements liés à son placement, entre attachement, incertitude et reconstruction. De retour dans la ville de son enfance, il a échangé avec des professionnels et des familles d’accueil sur cette expérience fondatrice.
C’est un retour aux sources chargé d’émotion qu’a vécu Boris Martin ce mercredi à Beaune. L’écrivain et journaliste est venu présenter son dernier ouvrage, « J’étais du bataillon des enfants perdus, sorti en novembre 2024.
Dans ce livre, il revient sur son parcours d’enfant placé dès son plus jeune âge et sur la manière dont cette expérience a façonné sa vision du monde. Une plongée intime dans l’espace mental d’un enfant confié à l’Aide sociale à l’enfance (ASE). L’événement s’est déroulé dans les locaux des services de protection de l’enfance de l’association EHCO, qui regroupe les Papillons Blancs de Beaune et l’ancienne Association Beaunoise de Protection de l’Enfance (ABPE), structure par laquelle Boris Martin est passé dans son enfance.
Un retour aux origines : « Ça fait 55 ans que je la connais, sans la connaître »
L’accueil a été assuré par Fabien Baert, directeur du Pôle Enfance, qui a présenté les actions d’EHCO : actuellement, l’association prend en charge 500 enfants, avec une récente autorisation pour 102 mesures supplémentaires d’Assistance Éducative en Milieu Ouvert (AEMO).
Dans l’assemblée, des travailleurs sociaux, des assistants familiaux du département, mais aussi d’anciens éducateurs dont Madeleine Beugras, son éducatrice de l’ABPE, qui fut un repère essentiel tout au long de son parcours. Un public sensible au témoignage de Boris Martin, qui connaît bien le monde de la protection de l’enfance. « Ça fait 55 ans que je la connais, sans la connaître », confie-t-il en évoquant l’institution qui a pris en charge son enfance.
Né en 1969, il a été placé en famille d’accueil dès l’âge de 6 ou 7 mois suite à une décision judiciaire. Sa mère et son oncle avaient eux-mêmes été placés, et sa demi-sœur a également connu le placement. Il a grandi à Beaune, chez Angéline et Christian Chapelle, un couple qu’il appelle « mes parents » qui avait déjà quatre enfants. Sa mère, originaire de Vignoles, était assistante maternelle la journée, tandis que son père était cheminot. Dans ce foyer d’accueil, il a connu la stabilité, une chance rare dans le parcours des enfants placés. Il a vécu sept ans dans la ZUP de Beaune, aujourd’hui le quartier Saint-Jacques, avant de partir à Dijon avec sa famille d’accueil. « Une enfance sur la route des vins, plaisante-t-il. J’ai eu la chance de ne pas être ballotté de foyer en foyer, je suis resté dans la même famille d’accueil toute ma vie. Mais cette stabilité n’efface pas les questions existentielles qui l’ont hanté.
Un livre pour reconstruire une mémoire d’enfant placé
Lorsqu’il a entrepris l’écriture de ce livre, Boris Martin - plus rompu à l'écriture d'essais sur ses voyages humanitaires - avait en tête un titre évocateur : Anastylose, un terme d’architecture grecque désignant la reconstruction d’un monument en ruine avec des matériaux modernes, en laissant visibles les traces de réparation. « Mon éditeur n’a pas été convaincu, mais cette idée de reconstruction mentale a guidé tout mon livre. J’ai voulu comprendre, à 52 ans, ce que signifiait réellement mon histoire. »
Il insiste : « Quand on parle de mémoire, soit on dramatise, soit on enjolive. J’ai voulu être au plus près de la réalité ».
Ce livre est donc une exploration de son propre espace mental d’enfant placé, une tentative de mettre des mots sur des sensations, des souvenirs, des intuitions profondes.
Un regard lucide sur l’accueil familial : entre attachement et questionnement
Si son placement a été stable et sécurisant, Boris Martin ne cache pas l’ambiguïté du lien qui s’est noué avec sa famille d’accueil. « Une relation d’amour réciproque s’est nouée. Mais j’ai longtemps eu du mal à comprendre où était la limite entre l’affection et la rémunération. » En France, les assistants familiaux sont rémunérés pour s’occuper des enfants placés. Un statut particulier qui, dans son cas, a nourri un sentiment de culpabilité : « J’ai eu l’intuition, très tôt, que ma présence représentait une nouvelle source de revenus pour eux. J’ai eu peur d’avoir pris la place de leurs propres enfants, qui avaient déjà quitté le foyer quand je suis arrivé ».
Cette impression d’être « un coucou », un intrus, a perturbé son rapport aux autres et à lui-même jusqu’à l’adolescence. « Un jour, je me suis dit : ils sont payés, et alors ? L’important, c’est que chacun s’est pris au jeu et qu’un amour sincère est né. »
Il évoque aussi la menace récurrente du renvoi, souvent brandie maladroitement par ses parents d’accueil. « Quand on est enfant placé, la peur du départ ne nous quitte jamais vraiment. » Malgré tout, avec le temps, les liens se sont tissés et une véritable relation familiale s’est construite.
Une transition en douceur vers l’âge adulte
Interrogé sur la fin de son placement, Boris Martin reconnaît avoir bénéficié d’un cadre qui lui a permis de prolonger cette stabilité. « Ça s’est presque passé comme dans une famille normale, par hasard de la chronologie », explique-t-il. Son environnement stable lui a permis de poursuivre des études, ce qui a allongé le soutien financier jusqu’à ses 21 ans. Il était boursier universitaire et a pu construire son avenir sereinement.
Son père est décédé alors qu’il avait 20 ans. Il a alors pris en charge les démarches administratives de la retraite de sa mère. Il a commencé à subvenir aux besoins de sa mère, qui avait une petite pension. Lorsqu’elle est décédée vingt ans plus tard, Boris Martin vivait à Paris, mais il faisait de fréquents allers-retours pour être à ses côtés jusqu’au bout. « J’ai été assez chanceux », confie-t-il avec pudeur.
Un hommage aux travailleurs sociaux et aux familles d’accueil
Dans son témoignage, Boris Martin met en lumière le rôle crucial des éducateurs spécialisés et des familles d’accueil. Il rend hommage à Madeleine, son éducatrice de l’ABPE, qui a été un repère important dans son parcours. « Elle m’a toujours rassuré. Elle était là pour moi, pour m’assurer que tout allait bien. »
Des professionnels présents ont souligné la difficulté à recruter de nouvelles familles d’accueil et à pérenniser ce métier. Sylvain Vacheresse, directeur général d’EHCO, rappelle : « Nous avons de plus en plus de mal à recruter des assistants familiaux. Leur rémunération a été revalorisée, mais les difficultés persistent ».
Emmanuel Coint, Vice-Président en charge des Solidarités, a souligné que cet ouvrage rend un véritable hommage aux professionnels de la protection de l’enfance : familles d’accueil, éducateurs spécialisés… Il met en lumière des enjeux fondamentaux, notamment le sentiment de sécurité de l’enfant et les dilemmes éthiques liés au placement. « Jusqu’où peut-il s’attacher à sa famille d’accueil sans trahir ses parents biologiques ? » s’interroge-t-elle, rappelant que, même dans les meilleures conditions, le placement laisse des stigmates.
Des témoignages poignants et une résonance forte
Dans l’assemblée, le livre a suscité de vives réactions. Certains travailleurs sociaux y voient un écho direct à leur métier.
Un médecin généraliste a témoigné : « Ce livre nous offre des clés de compréhension essentielles. Il pose les bonnes questions sur le placement, le déplacement et le sentiment de sécurité des enfants ».
D’autres soulignent l’absence de misérabilisme ou de pathos dans le récit de Boris Martin. « Il montre une autre réalité de l’enfance placée, sans sombrer dans le drame, mais en mettant en lumière la complexité des émotions et des attachements. »
Un livre bientôt adapté au théâtre et des dédicaces à Beaune
L’auteur a également annoncé qu’une adaptation théâtrale de son ouvrage était en préparation. « Avec un ami comédien, nous travaillons sur un seul-en-scène qui devrait voir le jour d’ici la fin de l’année ou en 2025. »
Une nouvelle manière de faire entendre cette voix rare et précieuse sur l’enfance placée.
Les lecteurs pourront rencontrer Boris Martin le samedi 29 mars, lors d’une séance de dédicace à la librairie Des livres et des hommes, de 15 h à 18 h.
Jeannette Monarchi
Livre « J’étais du bataillon des enfants perdus » publié aux éditions Le Bord de l’Eau (14 €).


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