CÔTE D'OR

Hommage aux victimes de la Shoah : 20 nouveaux pavés de mémoire inaugurés à Dijon

Hommage aux victimes de la Shoah : 20 nouveaux pavés de mémoire inaugurés à Dijon
© Emma Benyamine

Ce mercredi 14 mai, la ville de Dijon a inauguré 20 nouveaux pavés de mémoire, marquant une étape supplémentaire dans le travail de mémoire mené autour des victimes juives déportées durant la Seconde Guerre mondiale.

Cette cérémonie fait suite à une première série de pavés posée en 2024, en hommage aux 11 victimes de la rafle du 26 février 1942. Au total, 31 pavés de mémoire sont installés à Dijon.
 
Un projet européen à l’ancrage local
Le projet des « Stolpersteine » (littéralement, "pierres sur lesquelles on trébuche") a été lancé dans les années 1990 par l’artiste berlinois Günter Demnig. Depuis, plus de 90 000 pavés ont été posés dans toute l’Europe. Chacun d’eux est placé devant le dernier domicile librement choisi par une victime du nazisme, et rappelle son nom, son âge, la date de son arrestation, de sa déportation et, souvent, de son assassinat.
À Dijon, l'initiative a vu le jour grâce à un projet pédagogique conduit par Dimitri Vouzelle, docteur en histoire contemporaine et professeur au lycée international Charles-de-Gaulle, avec le soutien du service municipal « Dijon, Ville d’art et d’histoire ». Elle mobilise élèves, enseignants, historiens et institutions, dans un travail rigoureux de recherche et de transmission. « Aujourd’hui, 20 nouveaux noms pavent les rues de notre ville. Ces mêmes rues où résonnait, dans une nuit sans fin, le bruit cinglant des bottes de l’occupant », a déclaré Nathalie Koenders, maire de Dijon, lors de son allocution.
 
Rendre les noms à ceux que l’histoire a voulu effacer
Les pavés nouvellement posés commémorent vingt victimes juives, des Dijonnaises et Dijonnais arrêtées entre 1942 et 1944, pour la plupart déportées à Auschwitz via les camps de transit de Pithiviers ou Drancy. Derrière les chiffres de la Shoah, ce sont des destins individuels que cette action municipale fait ressurgir. « Ces 12 femmes et 8 hommes habitaient notre ville. Ils étaient des pères, des mères, des époux, des amis, des collègues… Ils ont été cyniquement arrêtés, déportés et assassinés », a rappelé Nathalie Koenders.
Des familles entières sont représentées, comme les Michel (rue de la Charmette), les Blankenberg (rue du Chaignot) ou les Roudnick (rue Fournerat). L’une des victimes, Hélène Roudnick, n’avait que 14 ans au moment de sa déportation. Les pavés sont là pour dire, en silence : « Ici, il y avait une vie ».
On peut notamment citer : Thérèse Katz et Anita Oppenheimer, arrêtées à 18 et 19 ans au 45, rue Paul Thénard ; Edmond, Irma et Lilly Michel, raflés rue de la Charmette ; Zysla et Wolf Blankenberg, mère et fils, arrêtés respectivement en 1942 et 1944 ; Chaïm, Eidel et Hélène Roudnick, trois membres d’une même famille déportés depuis la rue Fournerat.
La liste complète des noms et des adresses est désormais inscrite dans le pavé urbain dijonnais, offrant un lieu tangible de mémoire à celles et ceux qui passaient souvent dans l’oubli.
 
Des cicatrices visibles dans l’espace public
« La mémoire est une chaîne, précieuse mais fragile, que nous devons veiller à ne jamais rompre », a insisté la maire. Elle voit dans ces pavés des « cicatrices visibles de l’Histoire » et des « fragments de ville et d’histoire qui ancrent plus solidement encore le souvenir des victimes de la Shoah dans notre patrimoine ».
Face aux résurgences de l’antisémitisme, Nathalie Koenders a rappelé la nécessité de vigilance : « Rien ne saurait justifier l’antisémitisme et la haine de l’autre. Chaque tentative visant à minimiser, déformer ou nier l’extermination planifiée d’un peuple alourdit le crime contre l’humanité du crime contre la vérité ».
 
Une mémoire européenne partagée
Avec désormais 31 pavés de mémoire dans ses rues, Dijon rejoint plus de 25 pays européens dans cet hommage transnational. « Les collectivités territoriales jouent un rôle diplomatique fondamental en faveur d’une nécessaire compréhension mutuelle et d’une paix durable », a affirmé la maire, évoquant également les récentes discussions sur la paix en Europe menées dans le cadre du Printemps de l’Europe.
Pour conclure, elle a cité Simone Veil : « La mémoire n’est pas seulement un devoir, c’est aussi une promesse ». Une promesse que Dijon, à travers ses pavés de mémoire, entend bien continuer d’honorer.