BEAUNE
Beaune - La paix blessée d’Eron plane sur l’Hôtel-Dieu
Par Jeannette Monarchi
Publié le 10 Juillet 2025 à 11h12




Dans le cadre du projet « Imaginaires Kréatifs / Visions hospitalières, visions minérales », initié au printemps avec Jace et ses gouzous pleins d’humour, ce 2e volet présenté ce mercredi soir à l’Hôtel-Dieu des Hospices Civils de Beaune accueille six œuvres bouleversantes signées par street artiste italien Eron, une métaphore de la fragilité de la paix et un hommage à la vocation humaniste des lieux.
En franchissant la Cour d’Honneur de l’Hôtel-Dieu de Beaune, le visiteur découvre une série de six œuvres à la fois élégantes et bouleversantes, avec comme sujet une colombe blessée. Sur un fond qui imite le marbre sculpté d’un monument funéraire, une colombe blanche déploie ses ailes en plein vol. Mais ce vol est entravé : l’oiseau présente une plaie ouverte sur le poitrail, d’où s’échappe une traînée de sang rouge vif. Le mur autour est criblé d’impacts de balles, intensifiant la violence suggérée par cette scène autrement aérienne et fragile.
Sur une autre œuvre, à peine perceptible dans le décor, se devine la silhouette d’une sœur hospitalière, veillant dans l’ombre sur l’oiseau comme tant de soignants ont veillé sur les pauvres, les malades, les blessés dans ces salles mêmes pendant les guerres et les épidémies. Ces œuvres deviennent une métaphore poignante des idéaux qui saignent, des missions humanistes que l’Hôtel-Dieu, depuis le XVe siècle, continue d’incarner face aux violences de l’histoire.
Eron, maître du trompe-l’œil : une vision poétique et politique
Eron, maître du trompe-l’œil et de la métaphore sociale, livre ici une lecture bouleversante de l’histoire des lieux. À travers cette colombe blessée, il évoque la paix, meurtrie par la violence, mais encore vivante. Les impacts de balles, le sang, et le marbre figé dénoncent les ravages des conflits et la fragilité des idéaux humanistes. La présence de la figure soignante rappelle que malgré tout, des femmes et des hommes continuent, dans l’ombre, à soigner, accueillir et protéger.
Ce mercredi soir, un nouveau chapitre d’une histoire à trois temps sur l’Hôtel-Dieu a été dévoilée. Avec la colombe blessée d’Eron, le public découvrait le deuxième volet du projet « Imaginaires Kréatifs / Visions hospitalières, visions minérales », initié au printemps et « né de la rencontre entre l’Hôtel-Dieu et La Karrière, dans le cadre des dix ans de l’inscription des Climats de Bourgogne à l’Unesco » rappelle le directeur des Hospices Civils, Guillaume Koch, directeur des Hospices Civils de Beaune, qui complète : « Le street art peut être différent. Après le polyptyque monumental de Jace en avril, Eron prend la suite avec six œuvres inspirées des archives, des figures soignantes et du polyptyque du Jugement Dernier de Rogier van der Weyden ».
En avril dernier, le premier acte avait déjà surpris les visiteurs par la puissance et l’ironie des Gouzous de Jace, venus occuper les murs de la Cour des Fondateurs. Aujourd’hui, c’est une émotion plus grave, plus méditative, que propose Eron, maître italien du trompe-l’œil, en y déposant son oiseau meurtri et ses silhouettes soignantes.
Une évocation dans l’air du temps
« C’est une évocation dans l’air du temps, dans une période qui n’est pas très simple, mais qui offre des œuvres visuelles, aériennes, presque oniriques », souffle Dominique Bruillot, président de La Karrière, interprétant à haute voix le message de l’artiste, absent ce soir-là, mais qui évoque le fait que « L’Hôtel-Dieu a continué à fonctionner comme hôpital pendant les deux guerres mondiales, prodiguant soins et assistance aux malades et aux démunis ». Eron rend hommage à cette mission humaniste par une œuvre poétique et émotionnelle.
Avec sa colombe blessée, Eron signe une œuvre à la fois fragile et puissante, poétique et politique. Elle invite à réfléchir sur ce que signifie prendre soin, à une époque où la paix et la dignité humaine sont de nouveau fragilisées. Elle invite chacun à se demander ce que nous faisons de nos symboles, de notre paix, de notre humanité (thème retenu cette année pour décliner la programmation de l’Hôtel-Dieu). Et elle montre que, même meurtrie, la colombe vole encore.
Quelques mots sur l’artiste
Eron, né à Rimini en 1973, est considéré comme l’un des plus grands maîtres contemporains du trompe-l’œil et de la peinture murale. Ses fresques, souvent chargées d’émotion, combinent virtuosité technique et message social. Il a prouvé que la bombe aérosol peut produire des œuvres d’une intensité picturale comparable à la peinture classique. Ici, à Beaune, il dépose une nouvelle pierre à cet édifice artistique : un hymne discret à la paix, à la compassion, et à la mémoire des lieux.
Une surprise signée Mode 2
Le vernissage a également été marqué par une surprise : le dévoilement d’une œuvre signée Mode 2, directeur artistique du projet. Cette fresque en cours de réalisation servira de visuel pour la prochaine vente des vins des Hospices, en 2025 (à lire ici).
Depuis le XVe siècle, l’Hôtel-Dieu de Beaune incarne l’hospitalité et la charité. Son retable monumental du Jugement dernier, chef-d’œuvre de Rogier van der Weyden, rappelle aux visiteurs la dimension spirituelle et morale du soin.
En attendant le dernier acte
Le dernier acte, prévu pour l’automne, sera signé par l’artiste Delta. Avec ses formes géométriques et son abstraction colorée, il viendra clore ce cycle, offrant un troisième regard sur l’Hôtel-Dieu, après l’humour de Jace et la poésie blessée d’Eron.
D’ici là, les visiteurs peuvent venir contempler les deux premiers volets de ce parcours, visible jusqu’en novembre. Et en août, le festival organisé par La Karrière à Villars-Fontaine prolongera cette réflexion sur la place de l’art urbain dans nos paysages — qu’ils soient minéraux, hospitaliers, ou simplement humains.
Jeannette Monarchi


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