BOURGOGNE

Jérôme Durain alerte sur les finances régionales : « Les efforts demandés aux Régions sont injustes et intenables »

Jérôme Durain alerte sur les finances régionales : « Les efforts demandés aux Régions sont injustes et intenables »

Sous pression budgétaire, Jérôme Durain dénonce des efforts « injustes et intenables » exigés par l’État. Le vice-président Nicolas Soret assure que la Région « reste sur une trajectoire maîtrisée ».

Lors d’une conférence de presse tenue ce mercredi matin, le président du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, Jérôme Durain, a présenté les principaux dossiers à l’ordre du jour de l’assemblée plénière du vendredi 14 novembre, centrée sur les orientations budgétaires 2026. À ses côtés, Nicolas Soret, vice-président chargé des finances, a détaillé une situation budgétaire “sous tension mais maîtrisée”, dans un contexte de pression sans précédent exercée par l’État sur les Régions.
 
Un contexte budgétaire tendu : “On pose le décor”
L’ouverture de séance, prévue vendredi 14 novembre à 9 h, sera largement consacrée aux orientations budgétaires pour 2026, dans un environnement économique et politique national toujours instable sans budget voté. « On pose le décor, que nous n’avons pas attendu », a d’emblée déclaré Jérôme Durain. Le ton est donné : les finances publiques régionales font face à une nouvelle vague de contraintes imposées par l’État.
Le président rappelle que « le congrès des Régions de France a permis d’établir la feuille de route des ennuis qui nous attendent », tout en se félicitant que la Bourgogne-Franche-Comté accueille le prochain congrès des Régions en 2026, une première depuis vingt ans.
Il a également annoncé la création d’un groupe de travail “Prévention et sécurité”, qu’il présidera : « C’est un sujet qui me tient à cœur. Il prolonge mon travail parlementaire à la commission des lois et doit désormais trouver sa place dans les politiques régionales ».
 
Des finances sous tension : “Un effort disproportionné demandé aux Régions”
Le président régional n’a pas mâché ses mots : « L’effort financier qui est demandé aux Régions est complètement disproportionné par rapport à la responsabilité de l’État dans les problèmes financiers, notamment la dette publique ».
Le président se veut toutefois rassurant : « Nous avons la chance d’avoir une région bien gérée, avec des ratios solides. Nous pouvons tenir, en acceptant une dégradation maîtrisée. Mais il nous faut trouver 15 millions d’euros d’économies. Nous allons faire un effort sur nous-mêmes et sur nos politiques », a expliqué Jérôme Durain, tout en précisant que le budget 2026 serait voté en décembre, « par responsabilité », pour éviter les reports qui avaient perturbé le calendrier l’an dernier.
Mais l’équilibre reste fragile. Selon lui, la Bourgogne-Franche-Comté subira 55 millions d’euros de pertes de recettes en 2026, soit plus de 100 millions sur deux ans, ce qui « met en péril la capacité d’investissement et d’action de la collectivité : c’est trop dur », reconnaît-il. Et de pointer les modalités de remboursement du dispositif DILICO et la perte d’une partie de la fraction de TVA comme autant de mécanismes qui « affaiblissent durablement les recettes régionales ».
Jérôme Durain dénonce un paradoxe : « La décentralisation, c’est bien, mais il faut avoir des recettes solides ». Malgré les contraintes, il affirme vouloir maintenir le cap : « Notre intention politique, c’est de continuer à agir dans les domaines de la fraternité, du développement économique et de l’écologie. On va tenir, mais ça va devenir de plus en plus difficile ».
 
Nicolas Soret : “Un exercice stimulant dans un contexte incertain”
Prenant la parole à son tour, Nicolas Soret, vice-président chargé des finances, a replacé les orientations budgétaires dans un cadre plus technique, mais aussi politique. « Pour la deuxième année consécutive, nous réalisons un budget sans connaître la réalité des finances nationales. L’an dernier, nous avions repoussé le vote au printemps. Cette fois, nous voulons éviter de recommencer le cirque de 2024 : le budget sera voté en décembre, pour avancer. »
 
Un choix assumé, selon lui, malgré une visibilité très limitée.
« 92 % de nos recettes dépendent de dotations de l’État, qui ne sont pas encore connues. C’est un exercice périlleux… mais stimulant », sourit-il. Le vice-président rappelle que la préparation du budget 2026 s’est appuyée sur les hypothèses du projet de loi de finances Bayrou, puis ajustée après la formation du gouvernement Lecornu II : « Les hypothèses restent assez semblables. La vraie différence, c’est la pluriannualité : les efforts demandés aux collectivités s’étalent désormais sur 2026, 2027 et 2028 ».
Les services de la Région confirment que le budget 2026, estimé à près de 2 milliards d’euros, reposera sur des hypothèses prudentes, dans la continuité du projet de loi de finances Lecornu II. La capacité de désendettement reste maîtrisée, à 6,1 ans, loin du seuil d’alerte.
 
Une Région contrainte mais responsable
Nicolas Soret insiste sur le fait que la Région « reste sur une trajectoire financière saine », mais qu’elle ne pourra pas absorber indéfiniment les ponctions de l’État. « Nous avons terminé l’année 2024 avec 250 millions d’euros de capacité de financement, mais les économies cumulées sur 2025 et 2026 représentent 100 millions. Cela veut dire que notre capacité d’investissement sera divisée par deux. Aucun autre niveau de collectivité n’est autant impacté. Les Régions paient le prix fort. » L’avenir s’annonce plus tendu : la baisse des ressources structurelles conjuguée aux prélèvements de l’État contraint la Région à revoir son Plan Pluriannuel d’Investissement (PPI) seulement en avril 2026.
 
Des priorités maintenues, malgré la contrainte
Malgré ce contexte de rigueur, la Région Bourgogne-Franche-Comté maintient ses axes forts : l’emploi et l’attractivité des territoires, les transitions écologiques et énergétiques, la cohésion et la fraternité territoriale, Et une attention accrue à la sécurité et la prévention dans les lycées. « Nous allons développer une politique de prévention dans les établissements, lutter contre les addictions, et soutenir les communes dans leurs investissements en matière de sécurité », a précisé Jérôme Durain.
 
Relations tendues avec l’État : “Des engagements non tenus”
Jérôme Durain a dénoncé plusieurs dossiers dans lesquels l’État « manque à ses promesses ». Notamment dans le financement des formations sanitaires et sociales : « L’État s’était engagé à 215 millions d’euros pour les formations d’infirmiers. Aujourd’hui, certaines Régions n’ouvrent plus de places faute de financement. C’est aberrant ». Même constat sur le dossier ferroviaire Clamecy–Corbigny : « Le rapport de l’État n’est satisfaisant ni sur la méthode ni sur le fond. Il minimise les coûts réels et ne prend pas en compte les enjeux d’aménagement du territoire ».
Enfin, sur le volet des infrastructures, Jérôme Durain appelle à des arbitrages réalistes : « Sur la RCEA, je ne suis pas favorable à une troisième phase de travaux. Il y a des besoins plus urgents ailleurs, notamment sur la RN 19 ».
En conclusion, Jérôme Durain a tenu à garder un ton de responsabilité et de lucidité : « Les jours s’assombrissent, mais nous allons faire face. La région a été bien gérée depuis quinze ans ; cela nous donne un peu d’air. Nous tiendrons nos engagements, mais la marge se réduit. »

Jeannette Monarchi