Le PIB de la Bourgogne-Franche-Comté diminue toujours plus

Le PIB de la Bourgogne-Franche-Comté diminue toujours plus

Selon les dernières études de l'INSEE publiée en décembre, la Bourgogne-Franche Comté fait figure de l'une des régions les plus impactées économiquement. Le PIB par habitant s'élève à 27 000 € en Bourgogne- Franche-Comté, soit un niveau inférieur de 7 % (- 2 200 euros) à celui de la moyenne de province.

ETUDE INSEE BOURGOGNE-FRANCHE COMTE

 

Conséquence de la crise sanitaire, le PIB de la Bourgogne-Franche-Comté diminue de 7 % entre 2019 et 2020. Durant les deux dernières décennies, la région enregistre la plus faible croissance économique de province. Dépendante de l'industrie, elle a été particulièrement exposée aux crises des années 2000. Elle souffre également d’un déficit d’activités à haute valeur ajoutée et certains secteurs porteurs au niveau national y sont moins implantés. Par ailleurs, la démographie régionale est peu favorable à la croissance économique.

Une production régionale de richesse par habitant parmi les plus faibles

Indicateur central pour mesurer la création de richesse, le produit intérieur brut (PIB) de la Bourgogne-Franche-Comté s’élève à 76 milliards d’euros en 2020, soit un niveau proche de celui du Luxembourg. Rapporté à la population, il permet de comparer la production de richesse entre les territoires. Le PIB par habitant s'élève à 27 000 € en Bourgogne- Franche-Comté, soit un niveau inférieur de 7 % (- 2 200 euros) à celui de la moyenne de province. Vingt ans auparavant, ils étaient quasi-équivalents. Il se situe désormais au 11e rang des régions métropolitaines devant la Corse et les Hauts-de-France, contre le 8e rang en 2000.

En dépit de quelques limites, l’analyse des évolutions du PIB et de ses composantes permet d’identifier les dynamiques économiques, démographiques et sociales qui contribuent à la croissance des régions.

Les PIB régionaux en valeur (en euros courants) sont estimés par ventilation de la valeur ajoutée nationale en fonction des salaires versés dans les établissements régionaux. Cette estimation peut sous- évaluer le PIB de Bourgogne-Franche- Comté du fait de sa structure d’emploi relativement peu qualifiée. Les établissements industriels, dont l’intensité capitalistique est élevée mais la masse salariale plus faible, y sont davantage présents qu’ailleurs. De plus, les revenus des habitants travaillant en dehors du territoire ne sont pas directement pris en compte, comme les salaires des frontaliers travaillant en Suisse. Avec la libre circulation des personnes et l'assouplissement des règles concernant l'accès à l'emploi en Suisse, leur nombre a plus que triplé depuis 2000 passant de 13 000 à 42 000 en 2022.

En outre, pour analyser la croissance, un PIB régional en volume est calculé à partir du PIB en valeur en neutralisant l’évolution des prix. En l’absence d’indice de prix régionaux, le même indice de prix par grand secteur d’activité est utilisé pour chaque région de métropole. Les prix sont supposés évoluer de manière identique sur tout le territoire. En pratique, cette hypothèse peut ne pas être vérifiée pour certains secteurs dont les prix n’évoluent pas au même rythme dans toutes les régions. C’est particulièrement le cas pour le secteur agricole dont les productions sont très spécifiques d’une région à l’autre.

La crise sanitaire de 2020 occasionne un net repli du PIB régional

Entre 2019 et 2020, le PIB régional diminue de 7 % en volume. Ce recul brutal de la croissance suite à la crise sanitaire liée à la Covid-19 est dans la moyenne des régions de province. Il provient principalement de la contraction de l’activité des secteurs de l’hébergement- restauration (- 38 %), du transport et de la logistique (- 19 %) et de la construction (- 15 %). Fortement impactés par les restrictions sanitaires, ces trois secteurs contribuent pour plus du quart à la baisse en volume de la valeur ajoutée régionale. Le secteur de la fabrication des matériels de transport est également en retrait
(- 27 %).

Au-delà de ce choc atypique, la richesse régionale décroche progressivement de la moyenne de province entre 2000 et 2019.

De 2000 à 2019, la région enregistre la plus faible croissance économique de province

De 2000 à 2019, le PIB de Bourgogne- Franche-Comté augmente en moyenne de 0,3 % par an en volume, soit quatre fois moins qu’en France de province (+ 1,2 %). Il s’agit de la plus faible croissance économique des régions de province. Le poids de la région dans l’ensemble de la richesse métropolitaine recule de 0,7 point, passant de 4,0 % en 2000 à 3,3 % en 2019.

L’évolution du PIB par habitant de la région sur longue période suit la même tendance. Son rythme de croissance est trois fois plus faible qu’en province. La Bourgogne- Franche-Comté et le Grand Est sont les régions dont la hausse du PIB par habitant est la plus modeste.

Cette faible croissance du PIB par habitant s’explique principalement par une progression moins importante du PIB par emploi. Ce dernier est aussi appelé productivité apparente du travail. Il reflète la structure d’activité régionale et la productivité de l’emploi de chaque secteur. Le tissu productif régional est très dépendant de l’industrie en relative décroissance, alors que la création de richesse des vingt dernières années est avant tout portée par le tertiaire marchand. Ainsi, en 2019, le PIB par emploi de la région atteint 72 600 €, soit 5 % de moins qu’en province. L’écart n’était que de 1 % en 2000.

La croissance économique de la région pâtit également de la dynamique démographique défavorable, avec un vieillissement marqué de la population. Durant les deux dernières décennies, la population en âge de travailler et le nombre d’emplois diminuent dans la région alors qu’ils progressent en moyenne en France de province. Ces effets négatifs sur la création de richesse sont pour partie compensés par des évolutions structurelles du marché du travail. En 2019, trois quarts des personnes en âge de travailler sont actives (en emploi ou au chômage) dans la région, en hausse de 5 points par rapport à 2000.

Comme dans les autres régions, les réformes successives allongeant la durée de cotisation pour la retraite à taux plein entraînent une augmentation du taux d’activité, principalement celui des seniors. Cette progression limite la baisse du nombre d’actifs dans la région.

Les crises des années 2000 pèsent davantage sur la région

Durant les vingt dernières années, le déficit de croissance en Bourgogne- Franche-Comté résulte d’une plus forte sensibilité aux crises, combinée à une activité économique moins dynamique en période de croissance.

L’écart de croissance entre la région et la France de province se creuse dès le début des années 2000. De 2000 à 2008, le PIB régional augmente en moyenne de 0,9 % par an en volume contre 1,6 % en province. Suite à l’effondrement de la bulle internet et aux conséquences des attentats du 11 septembre 2001, la croissance française ralentit au début des années 2000. À partir de 2004, la région profite moins du rebond économique associé à la consommation des ménages et à l’investissement des entreprises.

Sur cette période, la baisse de l’emploi, rapporté à la population active occupée, freine davantage la croissance régionale que celle de la province. L’attractivité diminue avec un nombre croissant de Bourguignons-Francs-Comtois allant travailler en dehors de la région. Ils  créent ainsi de la richesse pour d’autres territoires bien que ces emplois représentent aussi une source de revenus consommés localement. Les territoires situés aux franges de la région sont particulièrement concernés par ce phénomène. Les opportunités d’emploi de la Suisse et des régions francilienne et lyonnaise attirent chaque année de plus en plus d’actifs de la région.

En Bourgogne-Franche-Comté, l’écart de croissance entre la région et la France de province s’accentue avec la crise financière de 2008. C’est la région dont le PIB décroît le plus sur cette période. Cette crise provoque une récession mondiale, mais sa propagation au sein des économies régionales est très variable. Les régions les plus industrielles sont ainsi les plus pénalisées. Entre 2008 et 2013, le PIB par emploi de la région diminue en volume de 0,7 % alors qu’il reste stable en province. Cette baisse s’accompagne d’une hausse du chômage dont le taux reste toutefois inférieur à la province. Les régions de l'ouest et du sud de la France retrouvent leur niveau d’activité d’avant-crise dès 2011, contrairement à celles du quart nord-est, régions plus industrielles.

Une démographie peu favorable à la croissance économique dès le début des années 2010

La Bourgogne-Franche-Comté renoue avec la croissance à partir de 2013. Sur la période 2013-2019, le PIB en volume de la région augmente de 0,8 % par an contre + 1,4 % en province. Avec les régions Normandie, Centre-Val de Loire et Grand Est, cette croissance est l’une des plus faibles de province. L’écart de croissance économique continue de se creuser en raison notamment d’une démographie peu favorable. Toutefois, contrairement aux années 2000, le PIB par emploi progresse au même rythme que la province sur cette période (+ 0,7 % par an).

En Bourgogne-Franche-Comté, la démographie pèse en fait sur la croissance dès le début des années 2010. En 2019, les personnes en âge de travailler représentent 60 % de la population régionale. Cette population est en recul à un rythme nettement plus élevé qu’au niveau national. Cette baisse s’explique principalement par l’arrivée des premières générations de baby- boomers aux âges de la retraite et par les difficultés de la région à attirer ou à retenir les étudiants et jeunes actifs.

La région souffre toujours d’un déficit d’activités à haute valeur ajoutée

En 2019, la somme des valeurs ajoutées des activités de production de biens et services représente 90 % du PIB en volume dans la région. Pour la majorité des secteurs, la valeur ajoutée progresse moins vite dans la région qu’en province. En particulier, l’appareil productif régional demeure moins spécialisé dans les activités à haute valeur ajoutée.

En 2019, la part des emplois des cadres des fonctions métropolitaines (conception- recherche, commerce interentreprises, gestion, culture-loisir et prestations intellectuelles) est une des plus faibles de province (6,3 % soit 2 points de moins que la province). Or, ces emplois stratégiques sont mieux rémunérés et créent ainsi davantage de richesse pour les territoires. Ces professions sont souvent concentrées dans les grandes métropoles, ce qui explique une représentation plus faible de ces emplois
« stratégiques » dans la région.

L’inertie du secteur industriel rend la reprise économique plus lente dans la région. De tradition industrielle, 18 % de la valeur ajoutée régionale provient de ce secteur en 2019, soit 2 points de plus qu’en province. Entre 2013 et 2019, la valeur ajoutée de ce secteur augmente trois fois moins vite qu’en province. Après des années de crise, la valeur ajoutée du secteur de la fabrication de matériels de transport évolue de façon positive (+ 1,5 % par an) bien que légèrement inférieure à celle de province. Les valeurs ajoutées de l’industrie agroalimentaire et de la fabrication d’autres produits industriels (textile, chimique, pharmaceutique et métallurgique) sont aussi en hausse, respectivement + 1,5 % et +0,9%.

Le tertiaire marchand génère une richesse plus faible dans la région

Représentant près de la moitié de la valeur ajoutée régionale en 2019, le secteur tertiaire marchand est le moteur principal de la croissance économique. Comme dans les années 2000, sa valeur ajoutée augmente deux fois moins vite dans la région qu’en province (+ 0,9 % par an entre 2013 et 2019). Le poids de ce secteur demeure plus réduit dans la région. En particulier, le secteur « Information et communication », dont le poids dans la richesse est relativement faible, progresse deux fois moins vite dans la région qu’en province (+ 2,2 % par an contre + 4,8 %). Toutefois, les activités scientifiques et techniques et les services de soutien aux entreprises qui contribuent pour un dixième à la valeur ajoutée régionale, évoluent de façon identique qu’en province (+ 2,6 % par an).

Les activités des administrations publiques, de l’enseignement et de la santé représentent un quart de la valeur ajoutée régionale en 2019. Moins sensible aux crises, ce secteur fournit un soutien à l’activité lors des chocs économiques. Entre 2013 et 2019, la croissance de la valeur ajoutée du secteur est moins importante qu’en province, respectivement + 0,5 % et + 0,9 %. Plus généralement, les activités présentielles (construction, commerce, hébergement-restauration, etc.) sont moins stimulées par la demande intérieure dans la région, du fait de dynamismes démographique et touristique moins soutenus.

Fabrice Loones, Xavier Monchois, Marie-France Pialle (Insee)