BEAUNE
Musée des Beaux-Arts de Beaune – Série trésors cachés : L'histoire fascinante de la girafe de Charles X
Par Jeannette Monarchi
Publié le 26 Septembre 2024 à 07h48

Le Musée des Beaux-Arts de Beaune abrite une œuvre unique, « Le Passage de la girafe à Arnay-le-Duc ». Peinte par Jacques Raymond Brascassat, elle raconte l’arrivée de Zarafa, la première girafe à fouler le sol français en 1827. Un voyage fascinant entre exotisme et diplomatie que ce tableau, souvent exposé, continue de faire revivre.
Aujourd'hui, Info-Beaune vous invite à plonger dans les coulisses du Musée des Beaux-Arts de Beaune, qui abrite plus de 10 000 œuvres. Parmi celles-ci se trouve un tableau particulièrement fascinant : « Le Passage de la girafe à Arnay-le-Duc », une huile sur toile réalisée par Jacques Raymond Brascassat (1804-1867), un célèbre peintre animalier français. Ce petit chef-d'œuvre, mesurant 45,5 cm de hauteur et 55 cm de largeur (63 x 53 cm avec cadre), est l'une des pièces emblématiques de la collection du musée, souvent mise à l’honneur, notamment dans le cadre d’expositions sur l'orientalisme.
Le tableau a fait son entrée dans les collections du musée en 1887, grâce à un don généreux de M. Fraisse, un antiquaire de Beaune. Bien que modeste par sa taille, cette œuvre qui n’a pas forcément une valeur picturale, détient une valeur documentaire exceptionnelle, racontant l'histoire du passage de la première girafe en France, un événement marquant du XIXe siècle.
Une œuvre historique et diplomatique
Le tableau de Brascassat immortalise l'arrivée de Zarafa, une girafe offerte en 1827 par Méhémet Ali, vice-roi d'Égypte, à Charles X, roi de France. Ce cadeau diplomatique visait à renforcer les relations entre la France et l’Égypte dans un contexte de tensions politiques liées à la guerre d'indépendance grecque contre l'Empire ottoman. Zarafa, qui signifie "gracieuse" en arabe, fut l'une des trois girafes envoyées en Europe, les autres étant destinées à l'empereur d'Autriche, François Ier, et au souverain britannique, George IV.
L'idée d'offrir une girafe à la France a été donnée à Méhémet Ali par Bernardino Drovetti, consul de France en Égypte.
Née au Soudan en 1825, cette femelle girafon haute de 3,50 m est capturée à l’âge de deux ans dans le désert de Kordofan. Elle est attachée et transportée sur le dos d’un chameau pour rejoindre un bateau sur le Nil, avant d'être présentée au pacha au Caire. Après un hiver passé dans la cité portuaire, elle embarque au port d'Alexandrie, traverse la Méditerranée et arrive à Marseille le 23 octobre 1826. Placée en quarantaine, elle y passe l’hiver avant de prendre la route à pattes le 20 mai 1827 pour Paris, où le roi l’attend.
Son voyage s’étend sur 880 km en 41 jours. C’est lors de sa traversée de la Côte-d’Or, entre le 17 et le 18 juin 1827, passant par Arnay-le-Duc, que le tableau capture ce moment. L'artiste a probablement peint cette scène de mémoire en 1831 ou à partir de croquis réalisés lors de son séjour au château du Musigny, près d'Arnay-le-Duc.
Une scène captivante
Le peintre représente la girafe au cœur d'un convoi composé d'hommes et d'animaux, dans un paysage très boisé. Elle est précédée de deux vaches laitières, chargées de lui fournir les 25 litres de lait qu’elle consomme quotidiennement. Se trouve également Youssef, l’interprète égyptien. Derrière elle, deux cornacs arabes, Hassan et Atif, veillent sur elle en tant que soigneurs, tandis qu'à l’avant se trouve l’interprète égyptien Youssef.
Parmi les personnages, on aperçoit également le célèbre naturaliste français Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, directeur du Jardin des Plantes et membre de l'Académie des sciences, qui avait été chargé d'escorter la girafe de Marseille à Paris après avoir participé à la grande expédition scientifique menée par Bonaparte en Égypte.
La girafe, escortée avec soin par des gendarmes à cheval, témoigne de l'importance de ce cadeau diplomatique. Elle avance fièrement au centre du convoi, arborant un grigri, un cordon rouge contenant des versets du Coran, destiné à lui porter chance durant son voyage.
Ce cortège exceptionnel attire l’attention d’une foule de curieux. Dès son arrivée sur le sol français, la girafe suscite une immense popularité, captivant l’imagination des Français, dont beaucoup n'avaient jamais vu un animal aussi fascinant.
Véritable girafomania
La girafe parcourt 880 km en 41 jours, atteignant Paris le 30 juin 1827. Le 9 juillet, elle est officiellement présentée au roi Charles X et à la cour au château de Saint-Cloud, avant d’être installée dans la ménagerie du Jardin des Plantes. Son arrivée est un événement majeur. Durant l'été 1827, elle attire environ 600 000 visiteurs curieux, devenant rapidement une véritable star.
Sa popularité est telle qu’elle donne naissance à une véritable mode, connue sous le nom de "girafomania". D'abord inspirant les artistes et les scientifiques, cette fascination se propage à la société, avec des objets du quotidien – vaisselle, tissus, médailles – ornés de son image. Même les coiffures féminines adoptent un style "à la girafe", avec des chignons hauts décorés de rubans, fleurs et plumes.
Une popularité déclinante
Cependant, comme toutes les modes, cette passion est éphémère. En trois ans, la girafe, autrefois l'une des attractions les plus prisées de Paris, attire moins de visiteurs, en particulier après la chute de Charles X en 1830.
La girafe termine ses jours au Jardin des Plantes et meurt à l’âge de 20 ans, le 12 janvier 1845, des suites d’une tuberculose bovine liée à son alimentation quotidienne de lait de vache. Après sa mort, elle est naturalisée et fait partie depuis 1931 de la collection zoologique du Muséum d'histoire naturelle de La Rochelle.
Cette histoire a été redécouverte par Gabriel Dardaud, correspondant de l’AFP au Moyen-Orient, qui découvre ce récit, pourtant réel, durant son séjour au Caire. En 1951, il rédige un article passionné sur cette aventure extraordinaire. Il devient ensuite un collectionneur fervent d'objets liés à la girafe, période où le nom de Zarafa a été attribué à l’animal.
Bien que la fascination pour Zarafa ait diminué au fil du temps, son histoire continue de susciter l’intérêt des historiens et des artistes.
En 1985, une étude consacrée à cette girafe a été publiée par le journaliste Gabriel Dardaud, accompagnée d'une première exposition au musée départemental de Sceaux, en parallèle avec la riche collection de Gabriel Dardaud dédiée à cet animal au long cou. Une nouvelle exposition a eu lieu en 2019. L'histoire de Zarafa continue aujourd'hui d'alimenter l'imaginaire et de captiver les foules. En 2012, le film d'animation Zarafa, réalisé par Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie, est sorti. Parallèlement, Michael Allin a publié un livre intitulé « La Girafe de Charles X : Son extraordinaire voyage de Khartoum à Paris ».
Un tableau voyageur
Le tableau est fréquemment sollicité pour illustrer des articles et des livres, toujours prisé pour son aura "voyageuse", à l'image de son sujet. Il a également inspiré le livre « Les Avatars de Zarafa - Première girafe de France - Chronique d'une girafomania : 1826-1845 » par Olivier Lebleu, spécialiste français de la girafe, disponible à la boutique du musée.
Le tableau a été utilisé pour des productions audiovisuelles, la première en 1957, à l'occasion du documentaire « Une girafe à Paris » réalisé par le docteur Thévenard de l'Institut Pasteur pour le Museum d’Histoire Naturelle. Le tableau a également voyagé pour représenter Beaune à l’international. En 2011, il a même été prêté au American Philosophical Society Museum de Philadelphie pour une exposition sur les liens entre histoire naturelle, décoration et mode. Ce prêt a permis de financer sa restauration : le vernis oxydé, les écailles et les lacunes picturales ont été traités, redonnant au tableau son éclat d'origine.
Il a été prêté en 2019 au Musée de la Gendarmerie de Melun pour l'exposition « Des gendarmes et des animaux ». En 2020, il a été utilisé pour une exposition au Musée de la Gendarmerie et du Cinéma de Saint-Tropez. Une reproduction du tableau figure également dans une mallette pédagogique consacrée à l'animal dans l'art, destinée à illustrer des contes sur l'histoire de la girafe. Cette œuvre emblématique est régulièrement exposée dans la collection orientaliste du musée des Beaux-Arts. Sa dernière présentation remonte à 2020, lors d'une exposition organisée pendant l'année du COVID. Ce tableau est particulièrement apprécié des enfants et figure en bonne place dans le livret de jeux pédagogiques.
Ce tableau, véritable témoignage visuel d’une époque fascinante, continue d'attirer petits et grands. Une œuvre qui, malgré sa taille modeste, raconte une histoire grandiose, celle de la girafe Zarafa, première de son espèce à poser ses sabots en France et à captiver des générations de curieux.
Jeannette Monarchi
Le prochain article de cette série sera consacré à de l’archéologie en Pays Beaunois, plus précisément des vestiges du Néolithique découverts lors de fouilles, menées de 1977 à 1991, dans la grotte de la Molle-Pierre (Mavilly-Mandelot, Côte-d’Or). Retrouvez-nous dans quinze jours pour continuer cette exploration fascinante des trésors cachés du musée des Beaux-Arts de Beaune.


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