BEAUNE
Musée des Beaux-Arts de Beaune - Série « Trésors cachés » : « La Mansarde » : un chef-d'œuvre de lumière et de mélancolie
Par Jeannette Monarchi
Publié le 31 Janvier 2025 à 07h39

Focus sur Hippolyte Michaud, peintre beaunois talentueux mais méconnu, qui a marqué le XIXe siècle par son talent et son engagement artistique. Son tableau « La Mansarde », présenté au Salon de Paris en 1865, est aujourd’hui l’une des pièces maîtresses du Musée des Beaux-Arts de Beaune. Une plongée dans l’histoire d’un artiste entre gloire espérée et destin contrarié.
En ce mois de janvier, Info-Beaune.com poursuit sa série « Trésors cachés », mettant en lumière des œuvres majeures issues des collections du Musée des Beaux-Arts de Beaune. Parmi elles, une figure locale, Hippolyte Michaud (1823-1886), se distingue par son talent et son engagement artistique. Peintre beaunois de formation académique, Hippolyte Michaud a marqué son époque par une production variée, alternant compositions ambitieuses et œuvres de commande. Son parcours illustre la difficile reconnaissance d’un artiste hors des circuits parisiens majeurs. Rencontre avec Delphine Corniche, responsable des collections, pour une plongée dans l'histoire de cette toile monumentale et de son créateur.
Cette huile sur toile, réalisée pour le Salon de Paris de 1865, est la plus grande œuvre du musée. Son format imposant est souligné par une signature en rouge, apposée en bas à gauche.
Autoprotrait de l'artiste
Hippolyte Michaud : un artiste beaunois entre ambition et difficultés
Né à Beaune en 1823 et décédé dans la même ville en 1886, Hippolyte Michaud est une figure centrale du Musée des Beaux-Arts de Beaune. L'institution conserve aujourd'hui 29 de ses peintures et 12 dessins, témoignant de son rôle majeur dans l'histoire artistique locale. Il fut également conservateur du musée, renforçant ainsi son lien avec la ville.
Hippolyte Michaud reçoit sa première formation artistique auprès de Louis Bonnet, qui dirigeait une école de dessin dans sa ville natale. Il est possible qu’il y ait rencontré Félix Ziem, autre artiste beaunois de renom. Par la suite, il intègre l’école des Beaux-Arts de Dijon en 1840 sous la direction d’Anatole Devosge. Travailleur acharné, il remporte en 1842 le premier prix d’une épreuve de modèle vivant, ex aequo avec Félix Trutat. Grâce à une bourse départementale, il part en 1843 à Paris où il rejoint l’atelier du peintre Léon Cogniet. Il y nourrit de grandes ambitions mais peine à se faire un nom.
Toutefois, ses débuts dans la capitale sont marqués par des difficultés financières et un anonymat pesant. Désireux d'exposer aux Salons, il présente en 1846 une petite toile sous le pseudonyme de Claude Butz, craignant de ne pas être à la hauteur de ses ambitions. En 1847, démuni financièrement et présentant des problèmes de santé, il revient à Beaune et ouvre un atelier, poursuivant sa carrière entre commandes et envois réguliers aux Salons parisiens, cette fois sous son vrai nom.
Une carrière marquée par la persévérance
Son premier succès public survient en 1853 avec l’œuvre « Le corps meurt, l’esprit reste », acquise par l’État et déposée au Musée des Beaux-Arts de Beaune en 1930. Malgré cette reconnaissance tardive, Michaud peine à percer sur la scène artistique et vit modestement. Il doit multiplier les commandes, notamment des portraits et des scènes religieuses, pour subvenir à ses besoins.
Au théâtre de Beaune, on lui attribue la réalisation des peintures ornant le garde-corps de l’avant-scène (première loge), comprenant deux médaillons représentant la Tragédie et la Comédie.
En 1854, il se marie et devient père de deux fils. C’est à cette période qu’il produit de nombreuses œuvres à caractère religieux.
À Dijon, en 1858, il connaît un véritable succès lors de l’Exposition générale des Beaux-Arts et de l’Industrie, où il reçoit une médaille d’honneur, notamment pour son œuvre « Ecce Homo » (représentation biblique de Jésus présenté au peuple), aujourd’hui conservée dans les réserves du musée des Beaux-Arts.
En 1864, il devient conservateur du musée de Beaune, un poste qui lui apporte une certaine stabilité. Il y fonde une école gratuite de dessin, poursuivant ainsi sa mission de transmission artistique.
En 1865, il obtient une reconnaissance éclatante avec « La Mansarde ». Théophile Gautier lui-même salua l’œuvre, louant son habileté et sa puissance évocatrice. Elle marque l'apogée de la carrière d’Hippolyte Michaud. L'État l'acquiert en 1867 pour 1 200 francs. Déposé au musée des Beaux-Arts en 1868, le tableau devient officiellement sa propriété en 2007, conformément à la loi des musées de France de 2002.
Hippolyte Michaud demeure fidèle à l'académisme alors que l'art moderne émerge. Il excelle dans le rendu anatomique et maîtrise le clair-obscur avec talent, mais ne connaît jamais le succès espéré. Après plusieurs voyages en Italie notamment et périodes de maladie, il s’éteint en 1886 à Beaune, où il est inhumé.
« La Mansarde » : un chef-d'œuvre lumineux et symbolique
Parmi les 10 000 pièces conservées par le Musée des Beaux-Arts de Beaune, La Mansarde (1865) est sans conteste l’une des plus remarquables. Cette immense huile sur toile (212 x 300 cm hors cadre) est un chef-d’œuvre de clair-obscur et une réflexion poignante sur les aspirations de l’artiste.
Le tableau met en scène un atelier mansardé sous les combles, plongé dans la pénombre. Dans le premier plan, divers objets d'artiste – un carton à dessins, un tabouret, une palette et des pinceaux – évoquent l’univers quotidien du peintre. En arrière-plan, une couche surmontée du portrait d’une femme suggère une présence absente, un amour perdu ou un modèle inspirant.
Le véritable sujet de l’œuvre réside dans un jeu magistral de lumière. Une lucarne ouverte laisse pénétrer un rai lumineux traversant la toile en diagonale. Dans cette lueur se matérialisent des figures allégoriques : un génie tenant une branche de laurier, symbole de gloire, un couple enlacé incarnant l’amour charnel, un putto avec une coupe de vin rappelant l’ivresse des sens, et une silhouette en prière, symbole d’espérance.
Ce mélange de figures flottantes, happées par la lumière, symbolise le tiraillement entre rêve et réalité. Hippolyte Michaud livre ici une vision intime et mélancolique de son parcours d'artiste.
Ces personnages, semblant happés par la lumière, traduisent les aspirations et illusions de l’artiste. Michaud y exprime le contraste entre l’élévation de l’âme et la dure réalité matérielle, un thème récurrent dans son œuvre. Cette dimension introspective, associée à sa parfaite maîtrise du clair-obscur et du rendu anatomique, inscrit « La Mansarde » parmi les témoignages les plus poignants du romantisme tardif.
Le musée conserve plusieurs dessins préparatoires de La Mansarde, témoignant du processus de création de Michaud. Initialement pensé dans un format vertical, le tableau adoptera finalement une disposition horizontale pour mieux restituer l’impression d’espace et de lumière. Certains détails, comme la présence d’un violoncelle, disparaîtront dans la version finale.
Aujourd'hui encore, l'œuvre fascine par son format imposant et son thème introspectif. Son caractère allégorique et mélancolique illustre à merveille l'âme tourmentée de son auteur, artiste incompris et pourtant talentueux.
Jeannette Monarchi
Retrouvez-nous fin février pour le prochain volet de la série « Trésors cachés » avec un focus sur Grand-Mère (1884), une œuvre poignante d’Édouard Jérôme Paupion.


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