BOURGOGNE

« Il faut libérer la tête des vignerons » : la filière viticole sonne l’alarme sur la santé mentale

 « Il faut libérer la tête des vignerons » : la filière viticole sonne l’alarme sur la santé mentale

Pour la première fois, l’Observatoire de la CAVB communique des chiffres inquiétants sur la santé mentale : 280 vignerons en situation de burn-out, 40 demandes de soutien psychologique. Burn-out, surcharge administrative, isolement… des signaux préoccupants apparaissent, alors que la profession a déjà payé un lourd tribut avec plusieurs suicides cet été. Le préfet de région s’engage à mettre en place un dispositif d’accompagnement spécifique pour la filière viticole.

Lors de la matinée « vendanges » organisée lundi à Nuits-Saint-Georges et Vougeot, Thiébault Huber, président de la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne (CAVB), a tenu à alerter sur un sujet rarement abordé dans le monde viticole : la santé mentale des vignerons. Entre contraintes climatiques, pressions économiques et complexité administrative, la santé psychologique des vignerons devient une préoccupation majeure. La CAVB appellent à simplifier les démarches et à renforcer l’accompagnement humain.
Selon les données recueillies par l’Observatoire de la CAVB grâce à un questionnaire hebdomadaire, 4 500 vignerons et maisons de vin ont été sollicités. Sur les 470 réponses obtenues, 280 personnes se déclarent en situation de burn-out et 40 ont demandé un soutien psychologique. « C’est un phénomène que nous n’avions jamais mesuré auparavant. Nous ne savons pas encore s’il est récent ou installé de longue date, mais il est clair que les signaux sont alarmants » relate Thiébault Huber.
 
La surcharge administrative pointée du doigt
Au cœur des facteurs de stress, la surcharge administrative revient avec insistance. « Depuis que je suis élu président, nous plaidons pour la simplification. Mais chaque année, c’est plus compliqué. Rien que cette année, trois nouvelles interfaces douanières ont été mises en place, en pleine vendange, sans interlocuteur disponible. Des viticulteurs se sont retrouvés seuls, à la limite de la légalité. »
Cette pression vient s’ajouter aux difficultés climatiques et économiques. La profession estime que l’administration doit prendre en compte le poids de la filière : 50 000 emplois, 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont plus de la moitié à l’export.
L’isolement est aussi un facteur aggravant. Beaucoup de viticulteurs travaillent seuls ou dans de petites structures familiales, ce qui rend difficile le partage des difficultés et l’accès à des ressources psychologiques.
 
Une réalité dramatique : les suicides
Au-delà des chiffres, la réalité est dramatique. Cet été encore, plusieurs vignerons se sont donné la mort. « Nous avons enterré deux vignerons qui se sont suicidés. Je ne veux pas qu’il y en ait d’autres. Il faut libérer la tête des vignerons, leur permettre de se concentrer sur leur métier, pas uniquement sur des tâches administratives. »
 
Le préfet : « créer un dispositif spécifique pour les viticulteurs »
Face à ce constat, le préfet de Bourgogne – Franche-Comté et de la Côte-d'Or, Paul Mourier, s’est dit particulièrement attentif à la problématique. Il a rappelé que la Chambre d’agriculture dispose déjà d’un dispositif d’accompagnement psychologique, « Faire face ensemble », destiné aux agriculteurs.
« La santé mentale n’est pas qu’un problème agricole, c’est un enjeu de société. Mais elle touche durement les exploitants. Je souhaite que nous adaptions ce dispositif à la viticulture, en créant une cellule spécifique, un groupe de travail qui réunira les services de l’État et la profession pour simplifier les démarches et alléger la charge mentale. »
Le préfet a néanmoins rappelé que certaines réglementations sont aussi conçues pour protéger les exploitants. « Le problème n’est pas le fond, mais la mise en œuvre. Il faut rendre les choses plus simples, plus lisibles. »
 
Une prise de conscience nécessaire
Cette séquence a marqué un tournant : pour la première fois, la santé psychologique des vignerons a été placée au cœur des discussions. Longtemps taboue, cette réalité s’impose désormais comme un enjeu majeur.
La filière viticole, déjà confrontée aux aléas climatiques, aux pressions économiques et à la concurrence internationale, doit désormais relever un autre défi : préserver la santé mentale de ses acteurs, condition indispensable à la pérennité des exploitations et à la vitalité du vignoble bourguignon.

Jeannette Monarchi

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