BEAUNE
Musée des Beaux-Arts de Beaune - Série « Trésors cachés » : Mario Avati, maître de la lumière noire : un trésor caché du Musée des Beaux-Arts de Beaune
Par Jeannette Monarchi
Publié le 21 Novembre 2025 à 05h45
Le Musée des Beaux-Arts de Beaune dévoile un nouveau « Trésor caché » : une fascinante manière noire de Mario Avati, figure majeure de la gravure moderne. Avec ses petits zèbres figés dans leur course, l’artiste rend un vibrant hommage à Eadweard Muybridge et à la science du mouvement. Une ultime découverte pour clore l’année en beauté.
Le Musée des Beaux-Arts de Beaune ouvre une dernière fenêtre sur ses collections pour l’année 2025, en dévoilant à travers ce nouveau chapitre de notre série « Trésors cachés », une gravure de Mario Avati (1921–2009), artiste majeur du XXᵉ siècle, dont la maîtrise de la manière noire a marqué durablement l’histoire de la gravure contemporaine.
En 2016, le Musée des Beaux-Arts de Beaune reçoit un ensemble de neuf estampes de Mario Avati. Une donation précieuse, effectuée par la belle-sœur de l’artiste, sœur d’Helen Avati, épouse américaine du graveur. Le couple, profondément attaché à la diffusion de l’œuvre de Mario Avati, souhaitait que ses créations puissent continuer à dialoguer avec le public au sein de collections françaises.

Mario Avati : un artiste d’une exigence rare
Né à Monaco en 1921, formé à l’École des Arts décoratifs de Nice puis à l’École des Beaux-Arts de Paris, Mario Avati a marqué durablement le paysage artistique français. Peintre, sculpteur, illustrateur, il est avant tout un graveur expérimental et méticuleux. Sa carrière est jalonnée de nombreuses distinctions et d’expositions internationales, qui le conduisent aussi bien à Tokyo qu’à New York ou Chicago.
Dès 1947, Mario Avati explore toutes les possibilités offertes par la gravure : eau-forte, aquatinte, pointe sèche… Jusqu’au jour où, en 1949, il découvre une technique quasiment oubliée : la manière noire.
Cette rencontre sera un tournant. Dix ans plus tard, Mario Avati en fait sa technique principale. Et dès 1968, il expérimente, innove et parvient à intégrer la couleur dans ce procédé traditionnellement monochrome. Une prouesse extrêmement rare.
Présent dans plus de trente expositions internationales, membre de la Société des peintres-graveurs français, Mario Avati est aujourd’hui représenté dans de nombreux musées, du Metropolitan Museum of Art au Musée d’Art Moderne de New York, en passant par Chicago ou Florence. En 2013, l’Académie des beaux-arts lui rend hommage en créant le Prix international de la gravure Mario Avati, récompensant chaque année un artiste confirmé.
La manière noire : sculpter la lumière à partir des ténèbres
La manière noire ou mezzo-tinto, inventée au XVIIᵉ siècle par Ludwig von Siegen, est une technique singulière : on commence dans le noir absolu pour faire apparaître la lumière.
À l’aide d’un « berceau », un outil dentelé légèrement courbé, l’artiste couvre la plaque de cuivre d’une infinité de minuscules encoches. Cela crée un grain dense et uniforme qui retient l’encre : s’il imprimait la plaque à ce stade, l’artiste obtiendrait un noir profond, velouté, presque velours visuel.
Puis vient le travail patient, délicat, long : lisser, adoucir, atténuer les creux, faire émerger les nuances de gris, et enfin les blancs éclatants.
Par le brunissoir et le grattoir, il adoucit ensuite la surface pour créer les zones plus claires : une lente remontée vers la lumière, exigeant une maîtrise exceptionnelle.
Technique fastidieuse et fragile, elle fut longtemps abandonnée avant d’être magnifiée de nouveau au XXᵉ siècle par quelques artistes japonais pour la plupart installés à Paris — Kiyoshi Hasegawa, Yozo Hamaguchi — avant que Mario Avati ne la porte à un niveau de maîtrise rarement atteint.
D’abord monochrome, son travail s’ouvre à partir de 1968 à la manière noire en couleurs, obtenue grâce à la combinaison raffinée de plusieurs plaques. Cette innovation, rare et audacieuse, contribuera largement à la renaissance contemporaine du mezzo-tinto.
Un art silencieux, rigoureux, à la sensibilité vibrante
La renommée de Mario Avati tient autant à sa virtuosité technique qu’à son univers singulier. Admirateur de Giorgio Morandi, il compose des images dépouillées, presque méditatives : natures mortes, objets du quotidien, fleurs, fruits, homards, œufs ou animaux exotiques. Pas d’arrière-plans inutiles : seulement l’essentiel, baigné dans un clair-obscur mystérieux où la lumière semble venir de nulle part. Ces œuvres, d’une intensité presque surnaturelle, plongent le spectateur dans une forme de silence visuel.
Artiste perfectionniste, Mario Avati arpentait souvent le Jardin des plantes pour étudier postures, volumes et attitudes des animaux. Cette précision scientifique n’empêche ni poésie ni humour : beaucoup de ses titres laissent entrevoir une fantaisie discrète.

« Du côté de chez Muybridge » : le mouvement capturé
L’estampe mise à l’honneur dans le cadre des « Trésors cachés » est l’une des plus poétiques du fonds. Réalisée en 1996, tirée à seulement 21 exemplaires, elle met en scène une série de petits zèbres, disposés dans des vignettes successives. Ce dispositif évoque immédiatement les célèbres séquences photographiques d’Eadweard Muybridge, pionnier de la décomposition du mouvement au XIXᵉ siècle. À travers son titre, Avati signe un hommage assumé au photographe britannique. Sollicité par Leland Stanford pour prouver qu’un cheval pouvait galoper sans toucher le sol, Muybridge immortalisa des séquences désormais célèbres, fondatrices aussi bien pour la science que pour les arts visuels.
La référence dialogue également avec le riche fonds Étienne-Jules Marey conservé à Beaune : Marey, l’autre grand explorateur du mouvement. Ce sont deux figures complémentaires dans l’histoire de la chronophotographie, dont leurs travaux ont révolutionné la perception du mouvement humain et animal.
Grâce à cette expérience, Eadweard Muybridge s’intéresse à la décomposition du mouvement et réalise de nombreuses séries photographiques, publiées dans différents ouvrages. On retrouve notamment ses travaux dans le livre Animals in Motion. Ces images permettent aux artistes de découvrir la réalité du mouvement animal, et notamment du galop, qu’ils ne représenteront plus de la même façon par la suite.
Dans la manière noire d’Avati, une série de petits zèbres occupe le centre de vignettes numérotées, comme autant de fragments d’un film arrêté. Les animaux, queue dressée, semblent à la fois figés et en course, isolés mais reliés par un même élan suspendu. Les silhouettes tronquées en bord de cadre suggèrent la poursuite du mouvement au-delà de l’image.
Le fond noir, intense et velouté, est ponctué de légers halos colorés (vert, rose, bleu…), obtenus grâce au subtil travail du brunissoir. Ces reflets pastel, presque imperceptibles, confèrent à l’ensemble une dimension onirique. L’image devient alors une méditation visuelle sur le mouvement et la lumière, bien plus qu’une simple étude animale. Mario Avati transforme une étude de mouvement en scène poétique, presque narrative.
Depuis la donation de 2016, cette estampe — comme les autres œuvres d’Avati reçues par le musée — est régulièrement présentée au public. La sœur d’Helen Avati, veuve de l’artiste et journaliste américaine, a en effet souhaité diffuser largement l’œuvre du graveur, permettant à plusieurs institutions françaises d’enrichir leurs collections.
Avec cette mise en lumière, la série « Trésors cachés » continue de révéler la richesse insoupçonnée des collections beaunoises. Et donne rendez-vous l’année prochaine pour une nouvelle plongée dans les chefs-d’œuvre discrets du musée.
Jeannette Monarchi
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