BOURGOGNE
Chassagne- Montrachet - Francine Picard, la terre en héritage, l’innovation en horizon : une vigneronne en lutte contre l’empreinte carbone du vin
Par Jeannette Monarchi
Publié le 05 Juin 2025 à 08h29

Francine Picard n’a rien d’une héritière passive. Revenue dans le giron familial après un parcours atypique, elle a transformé les Domaines Famille Picard en laboratoire grandeur nature de la viticulture durable. Entre robotique, allègement carbone et nouvelles alliances de cépages, son vin parle au futur.
Au sein des Domaines Famille Picard, Francine Picard mène depuis plus de vingt ans une révolution douce mais ambitieuse dans le monde du vin. De Chassagne-Montrachet à Mercurey, en passant par Montagny et Saint-Aubin, elle conjugue héritage, innovation et engagement environnemental, traçant une voie singulière vers une viticulture durable et inspirée.
Une histoire de famille devenue aventure collective
Le Domaine Famille Picard, c’est d’abord une histoire de transmission. Fondé en 1951 à Chagny par Louis-Félix Picard, le grand-père bouilleur de cru, puis développé dans les années 1970 par son fils Michel. Ce dernier se lance dans le négoce de vin de table achetés dans le Sud, avant d’acheter ses premiers hectares en Bourgogne en 1986 au Château de Davenay, dont le domaine s’étend sur plus de 11 hectares en appellation Montagny 1er Cru, répartis sur 3 climats. L’exploitation passe de quelques hectares à un domaine de 140 hectares en Bourgogne. Aujourd’hui, il s’étend sur 105 ha en Côte Chalonnaise (principalement Montagny, Mercurey) et 35 ha en Côte de Beaune (Chassagne-Montrachet, Saint-Aubin). « Mon père est parti de rien. En 1986, il a acquis le château de Davenay. C’est ainsi si commence la belle aventure. Depuis, nous n'avons cessé de grandir. Une des spécificités de notre domaine, on a une vraie profondeur de gamme dans chaque appellation avec des premiers crus très différents : huit à Mercurey, cinq à Saint-Aubin, trois à Montagny et quatre climats distincts à Chassagne », précise-t-elle.
Parallèlement, le domaine s’est ouvert à d’autres horizons : le Rhône, le sud de la Provence, et même 40 hectares de vignes en Cognac, portant l’ensemble à plus de 200 hectares.
Une héritière pas comme les autres
Le destin viticole de Francine Picard ne semblait pas écrit d’avance. Elle le reconnaît avec humour : « Je m’ennuyais comme un rat mort en Côte-d’Or ». Rien ne la prédestinait à revenir s’installer à Chassagne-Montrachet après des études de commerce à Paris, des expériences à l’étranger, une médaille de bronze UNSS au javelot et plusieurs années passées chez Nike. Pourtant, c’est ce parcours atypique – du sport de haut niveau à l’univers de la grande entreprise – qui l’a forgée. « J’ai compris que je n’étais pas faite pour les grandes structures où il faut dire amen à tout sans avoir voix au chapitre. »
Elle revient en Bourgogne en 1999, rejoint le domaine familial aujourd’hui géré par son frère, Gabriel, et prend en charge toute la partie marketing. En 2004, elle réorganise et surtout… transforme profondément les domaines viticoles. Elle restructure l’organisation en entités autonomes pour redonner à chaque domaine une identité forte, une marque personnelle. Elle construit ensuite une équipe autour de deux piliers : produire les meilleurs vins, tout en réduisant l’impact environnemental.
Une transition environnementale menée avec méthode et conviction
Depuis 2007, tous les domaines sont engagés dans l’agriculture biologique. Un chantier de longue haleine : il faudra dix ans pour convertir l’intégralité des parcelles. « Mon objectif, c’est de produire les meilleurs vins tout en réduisant notre impact. C’est un travail constant, parcelle par parcelle. Nous avons mis en place des équipes qui réfléchissent sur chaque étape : avant les vendanges, après les vendanges, sur les pratiques culturales puis d'élevage. On observe chaque parcelle, on étudie les sols, les cépages, les porte-greffes, les besoins hydriques, les itinéraires techniques. Il faut anticiper, se remettre en cause, rester curieux et ouvert. »
Chaque choix est documenté, analysé, testé. Moins de mortalité des pieds, plus de cohérence dans les replantations, un vignoble mieux armé pour affronter les aléas climatiques : le résultat parle de lui-même. Un esprit scientifique anime sa démarche, entre analyses de sols, micro-parcelles tests, et innovation technologique.
Les outils du futur déjà sur le terrain
La transition environnementale passe aussi par l’innovation technologique. Francine Picard n’hésite pas à expérimenter les outils de demain.
Le vitibot, robot viticole autonome et électrique, est déjà à l’œuvre sur 11 hectares à Chassagne-Montrachet. Cartographié au centimètre près, cet outil de précision permet d’effectuer l’ensemble des travaux de la vigne – hors traitements – avec précision, avec une réduction significative de l’empreinte carbone, sans tasser le sol, avec une efficacité comparable, voire supérieure, à celle d’un tracteur, pour un coût moindre, dans un contexte où les tractoristes sont rares « de vraies stars aujourd’hui avec des exigences financières élevées ».
Un drone de traitement est utilisé sur certaines parcelles à Beaune, notamment après des épisodes pluvieux. Il permet de limiter l’intervention d’engins lourds, d’éviter le tassement du sol et de réduire fortement l’empreinte carbone suite à l’envoi d’un engin sur place.
Un chai éco-conçu à Mercurey
En 2023, Francine Picard inaugure une nouvelle cuverie sur 25 ha à Mercurey. Construit à partir d’un ancien bâtiment rehaussé, ce chai tempéré naturellement bénéficie d’une isolation en bois et d’un enduit intérieur spécifique pour réguler humidité et température toute l’année.
L’eau de pluie issue de 800 m² de toitures est récupérée dans deux bassins de 2 000 litres pour le nettoyage de la cuverie et du matériel de vinification. Les effluents vinicoles, quant à eux, sont traités via un système de phytoépuration par filtres plantés de roseaux. Trois bassins de roseaux sont disposés dans la cour pour filtrer et assainir les eaux usées du bâtiment. Les eaux propres sont ensuite renvoyées dans les eaux publiques. Une manière de rendre à la nature une eau claire, propre, sans coût environnemental. « Aujourd’hui, l’eau est filtrée naturellement et rejetée dans la nature. Avant, c’était envoyé au réseau, avec un coût et une perte. »
Le packaging aussi passe au vert
Dans une démarche cohérente avec ses engagements environnementaux, Francine Picard a repensé l’ensemble du packaging de ses vins pour en réduire l’impact écologique. Les bouteilles ont été allégées, passant de 690 grammes à seulement 420, sans compromis sur la qualité. « Ce n’est pas la lourdeur de la bouteille qui fait la qualité d’un vin. Ce sont les efforts en amont », insiste-t-elle.
Les bouchons sont désormais fabriqués à partir de fibres de canne à sucre, une alternative durable au liège, nécessitant moins d’eau et générant moins de CO₂ à la production. Les étiquettes, elles, sont imprimées avec des encres naturelles à base de lie de vin, et l’ensemble des cartons a été optimisé : plus légers, ils permettent de charger davantage de bouteilles sur une palette, réduisant ainsi les transports et leur empreinte carbone.
Terres Affranchies : bousculer les codes
Francine Picard n’hésite pas à remettre en question les standards. En parallèle du travail sur le domaine, elle a lancé une gamme baptisée « Terres Affranchies ». « L’idée, c’est d’observer les anciens et de s’inspirer de leur liberté. Avant, on ne plantait pas en monocépage. Pourquoi s’interdire aujourd’hui de réfléchir autrement ? Nous devons sortir des carcans pour s’adapter au climat.»
Résultat : des assemblages inédits entre cépages rouges et blancs (pinot, gamay, aligoté, savagnin…), vinifiés hors appellation, en Vin de France. Des cuvées aux noms évocateurs – Magon, Columelle, Pline – en hommage aux grands agronomes antiques.
Agroforesterie, biodiversité et sensibilisation
Francine Picard a également lancé une dynamique d’agroforesterie sur la Côte Chalonnaise, avec déjà 500 mètres de haies en plessis, essences locales…. Objectif : retenir l’eau, dériver le vent, limiter la propagation des maladies, créer des habitats pour les insectes auxiliaires. Un investissement sur le long terme pour renforcer la résilience du vignoble.
Convaincue de la nécessité d’une pédagogie grand public, elle a lancé en mars 2025 une série de vidéos baptisées « Les Contes Viticoles », diffusées sur les réseaux sociaux. Chaque épisode décrypte un aspect du métier, ses problématiques : les ceps, les effluents, les stations météo, les types de contenants… Une manière simple et didactique de faire entrer le grand public dans le quotidien d’un domaine engagé. « J’explique notre métier, avec humilité mais précision. Il est temps que les consommateurs comprennent les enjeux derrière une bouteille. »
Une viticultrice engagée pour la filière
Francine Picard ne limite pas son engagement à ses domaines. Présidente de l’éco-organisme Adelphe, elle agit à l’échelle nationale pour une filière vin plus responsable, notamment en matière d’emballage et de recyclage. « Il faut une mobilisation collective. La viticulture est une culture autant qu’une économie. ». Elle milite pour une réduction de l’empreinte carbone dans la filière vins & spiritueux, et pour une viticulture ouverte, inclusive, accessible.
Son prochain défi ? Optimiser les transports, repenser la logistique, et surtout, transmettre cette conscience environnementale à toute son équipe. « On n’a pas le choix. C’est notre responsabilité. Et ça fonctionne. Ça crée une dynamique, une fierté collective. »
Francine Picard, avec son parcours atypique, son énergie contagieuse et sa vision sans compromis, incarne une nouvelle génération de vignerons : enracinés, éclairés, tournés vers demain. Une Bourgogne qui change, pour le meilleur.
Jeannette Monarchi


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