BEAUNE

Beaune – Conseil municipal : les tensions longtemps contenues entre le maire Alain Suguenot et son 1er adjoint Pierre Bolze, sont aujourd’hui difficiles à cacher

Beaune – Conseil municipal : les tensions longtemps contenues entre le maire Alain Suguenot et son 1er adjoint Pierre Bolze, sont aujourd’hui difficiles à cacher
17 voix en soutien à la candidature de Pierre Bolze comme président de séance

De simple formalité, le vote du compte administratif 2024 s’est transformé jeudi soir en bras de fer politique entre Alain Suguenot et Pierre Bolze. Un accrochage indirect mais révélateur des tensions entre ces deux candidats en lice pour les municipales de 2026. Au-delà du règlement, c’est la fracture au sein de l’exécutif municipal qui a sauté aux yeux, à neuf mois des élections.

Un épisode tendu a marqué la dernière séance du conseil municipal avant l’été. Ce jeudi 26 juin, le vote du compte administratif de la Ville a servi de révélateur aux dissensions internes de l’équipe municipale. Le maire Alain Suguenot et son toujours 1er adjoint Pierre Bolze se sont livrés à une joute réglementaire et politique, le tout sans confrontation directe.
 
Procédure ignorée : la présidence de séance fait débat
Comme le prévoit le Code général des collectivités territoriales (CGCT), le maire ne peut pas participer au vote du compte administratif. Il doit donc quitter la séance et laisser le conseil élire un président de séance. Ce jeudi, Alain Suguenot a contourné la règle, annonçant simplement en partant de la salle du conseil : « Je laisse le soin à Jean-François Champion (adjoint aux finances) de répondre à vos questions ».
Une entorse à la procédure dénoncée par Geoffroy Brunel (Beaune Convergence) alors qu’un débat s’était engagé sur le fond par Sébastien Picard (« Pour Beaune Vraiment) : « Je m’étonne que l’on ne fonctionne pas comme d’habitude, à savoir que c’est au 1er adjoint d’assurer la présidence la séance sinon il y a une mise au vote. Quelle que soit l’atmosphère du moment, ça ne dispense pas de respecter le règlement ».
 
Duel entre Anne Caillaud et Pierre Bolze pour présider
Saisissant la balle au bond, Pierre Bolze prend la parole : « le maire est parti sans s’assurer du bon déroulement. Nous avons besoin de respecter le CGCT. Je vous propose d’assurer la présidence de cette session pour procéder au vote ».
Anne Caillaud, quatrième adjointe, propose également sa candidature. Ce qui fait réagir vivement Pierre Bolze : « C’est quand même la première fois que le premier adjoint ne va pas présider le vote du compte administratif ».
Un vote à main levée départage les deux élus : Pierre Bolze obtient 17 voix, Anne Caillaud 10 voix et 5 abstentions. « Je vous propose que l’on passe cette petite séquence qui n’est pas très agréable », a concédé Bolze, conscient de l’image renvoyée à la fin de ce psychodrame administratif.

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10 voix au profit d'Anne Caillaud, soutien indéfectible d'Alain Suguenot

Des paroles tranchantes
Une fois le vote terminé, l’ambiance reste lourde. Pierre Bolze ne cache pas son agacement : « Ce qui m’étonne, c’est ce moment de flottement. Le maire a quitté la séance sans s’assurer du fonctionnement régulier ». La tension explose définitivement à la sortie du conseil, quand Pierre Bolze, furieux, interpelle Alain Suguenot : « Quand le maire quitte la salle, tu organises la suite Alain, sinon tu n’es pas à la hauteur, c’est tout ! ».
Plusieurs élus, dont Jean-François Champion, ont toutefois choisi de s’abstenir : « Je ne veux pas être otage de ce genre de choses », a-t-il expliqué, visiblement désolé.
Le conseiller municipal Michel Pierron, délégué aux finances, s’est également abstenu, qualifiant la scène de « tout à fait déplaisante ».
 
Le budget adopté, mais un climat miné
Malgré cette séquence tendue, le compte administratif a été validé, avec deux abstentions. Avant de quitter la salle, le maire Alain Suguenot en avait souligné l’importance : « C’est mon 31e compte administratif, et je le dis : c’est un acte majeur de la vie municipale. Il montre concrètement comment le budget a été réalisé ».
Il s’est félicité de la bonne exécution budgétaire de l’année : « On peut s’en réjouir : on n’a jamais fait autant de choses. On est à 93 % de réalisation en recettes et 87 % en dépenses de fonctionnement. En investissement, c’est 70 % en recettes et 73 % en dépenses, ce sont les meilleurs taux de la Côte-d'Or ».
Mais au-delà de ces bons chiffres, le maire a tiré la sonnette d’alarme sur l’avenir budgétaire des communes, soulignant que les marges de manœuvre se réduisent considérablement. « La réalité est plus préoccupante. Le contexte national pèse lourdement. Les communes ne doivent pas être une variable d’ajustement. Rien que pour Beaune, les baisses de dotations de l’État représentent 20 millions d’euros cumulés en dix ans. Nous n’avons plus de DSU (dotation de solidarité urbaine), plus de taxe d’habitation, et les leviers d’action deviennent de plus en plus limités. »
Un message clair sur la pression budgétaire croissante, que le maire a voulu faire entendre.
 
Une tension devenue impossible à ignorer
Ce nouvel épisode confirme les tensions internes à la majorité municipale de Beaune. Alain Suguenot, maire depuis 1995, vise un sixième mandat. En face, Pierre Bolze, son premier adjoint, entend dorénavant voler de ses propres ailes.
Ce conseil municipal, censé n’être qu’une formalité budgétaire, a mis en lumière des fractures profondes. Au-delà du débat de préséance, la confiance entre élus a vacillé publiquement. En politique, le respect des règles n’est pas accessoire : il garantit le sérieux du débat et la crédibilité des institutions. « Le fonctionnement de la Ville et de la municipalité ne peut pas être otage de discussions et de tensions, a rappelé Geoffroy Brunel. Il faut se faire confiance au moins là-dessus et être raisonnables. »
À neuf mois des élections municipales, l’heure devrait être à la clarté et à l’intérêt collectif. Les Beaunois n’attendent ni rivalités, ni théâtre politique, mais des élus capables de travailler ensemble, même dans la différence.

Jeannette Monarchi