BOURGOGNE
Climat, taxes, qualité du millésime : les vignerons bourguignons échangent avec le préfet
Par Jeannette Monarchi
Publié le 09 Septembre 2025 à 07h13




De Nuits-Saint-Georges au Clos de Vougeot, la journée « vendanges » du préfet a permis de mesurer à la fois la richesse du patrimoine viticole et les préoccupations actuelles de la profession : changement climatique, contraintes économiques, transmission des domaines, mais aussi la promesse d’un beau millésime 2025.
Ce lundi, sous un ciel voilé et quelques gouttes de pluie, Paul Mourier, préfet de Bourgogne – Franche-Comté et de Côte-d’Or, a pris part à la traditionnelle journée « vendanges », organisée à l’invitation de la Confédération des Appellations et des Vignerons de Bourgogne (CAVB). Objectif de cette matinée : rencontrer la profession viti-vinicole en pleine récolte, visiter des sites emblématiques et prendre le pouls de la filière, afin de dresser un panorama des enjeux de la filière viticole en ces vendanges 2025.
Les Ursulines : patrimoine et innovation
Au cœur de Nuits-Saint-Georges, l’ancien couvent des Ursulines, magnifié par la maison Jean-Claude Boisset, incarne un pont entre histoire et modernité. Inaugurée lors des vendanges 2018 après quatre années de travaux, la cuverie conjugue architecture audacieuse et respect du patrimoine. « Les volumes de ce millésime s’annoncent meilleurs qu’en 2024. C’est un beau millésime, assez gourmand, avec des vins qui ont du fond », a confié un représentant de la maison Boisset. Dans ce chai écologique et géobiologique, où caves du XVIIIᵉ siècle et dôme végétalisé cohabitent, l’exigence qualitative est au cœur du processus : vins sans artifice, cuvées cousues main, pratiques biologiques et créativité assumée.
Au Clos de Vougeot : tradition et transmission
Deuxième étape : le Domaine du Château de La Tour, situé au cœur du Clos de Vougeot. Ici, François et Édouard Labet perpétuent depuis plusieurs générations une approche respectueuse du terroir, certifiée biologique depuis 2021 : 5,5 hectares au sein du clos, récoltés, vinifiés, élevés et mis en bouteille à l’intérieur même des murs, comme à l’époque des moines cisterciens. « Les vendanges pluvieuses nous laissent toujours dans le doute. Ce millésime aurait pu être très grand ; il sera finalement “seulement” grand, mais assurément très beau », a expliqué Édouard Labet.
Son père, François Labet, a rappelé les bouleversements climatiques qui pèsent sur la vigne : « Nous subissons un chaos climatique, avec une chaleur excessive, des précipitations violentes, et une absence de régularité. Ici, au cœur d’un grand cru mondialement connu, nous devons protéger ce patrimoine, mais aussi défendre la transmission familiale face aux risques de mainmise de la finance internationale ».
Les grandes préoccupations de la filière viticole bourguignonne
La journée « vendanges » n’a pas seulement été l’occasion de célébrer la qualité du millésime 2025 ou de mettre en avant le patrimoine exceptionnel des domaines visités. Elle a aussi permis de donner la parole aux vignerons et aux représentants de la profession, qui ont largement exprimé leurs inquiétudes et attentes.
Le changement climatique : une équation toujours plus complexe
Tous l’ont souligné : le vignoble bourguignon est confronté à une météo extrême et imprévisible. Après la sécheresse, le mildiou et les faibles rendements de 2024, l’année 2025 semblait promettre un millésime d’exception. Mais les 150 mm de pluie tombés en août ont bouleversé les équilibres, freinant la maturation des raisins et réduisant les volumes attendus.
Thiébault Huber, président de la CAVB, a résumé : « En août, nous étions en route vers un très grand millésime. Avec ces pluies, il sera finalement un grand millésime, mais les volumes ne seront pas au rendez-vous, notamment en Côte de Beaune et à Chablis. Deux années de suite avec des rendements bas, c’est difficile à encaisser pour certaines exploitations ».
L’instabilité économique et commerciale
Autre sujet d’inquiétude : les marchés internationaux. Les vins de Bourgogne exportent une grande partie de leur production, notamment vers les États-Unis (50%), premier marché pour la région.
Albéric Bichot, président de la Fédération des Négociants - Éleveurs de Grande Bourgogne (FNEB), a tiré la sonnette d’alarme : « Ce n’est pas la grande joie. Les taxes Trump, combinées à l’évolution défavorable du dollar, ont entraîné une hausse de 30 % de nos prix outre-Atlantique. Les premières données de juillet font état d’une baisse de –33 % des exportations vers les États-Unis. C’est un marché difficile à compenser ailleurs ».
Cette dépendance au marché américain inquiète, d’autant que d’autres accords commerciaux comme le Mercosur divisent le monde agricole. Certains y voient une opportunité de diversification, d’autres redoutent une concurrence accrue.
Les contraintes réglementaires et administratives
La santé mentale est une priorité de la CAVB. La filière viticole est soumise à un enchevêtrement de réglementations : douanes, fiscalité, emploi, normes environnementales, exportations… Le préfet Paul Mourier a reconnu cette difficulté et s’est engagé à améliorer les relations entre les services de l’État et les viticulteurs avec la mise en place d'une cellule dédiée à la simplification administrative « Comment fait-on pour simplifier l’administration dans une société où la complexité règne ? Je m’engage à fluidifier les relations avec une meilleure concertation en Bourgogne. »
L’accueil et les conditions de travail des vendangeurs
Sujet sensible, l’accueil des vendangeurs a longtemps fait l’objet de critiques, avec des cas isolés d’hébergements insalubres. La profession a depuis engagé des efforts notables : contrôle des prestataires, réhabilitation des logements, accompagnement des exploitants. Le préfet a souligné que la Côte-d’Or était « objectivement moins touchée que d’autres vignobles » et qu’« il n’y avait eu qu’une fermeture d’hébergement cette année ». Thiébault Huber a salué les progrès réalisés, fruit de « 3-4 ans de pression collective sur les conditions sociales dans le vignoble ».
L’amélioration des conditions d’accueil est désormais vue comme une condition essentielle pour maintenir l’attractivité du métier et répondre aux attentes sociétales.
L’utilisation des pesticides et l’étude Pestiriv
La publication prochaine de l’étude nationale Pestiriv, prévue le 15 septembre, suscite de vives inquiétudes. Cette enquête mesure l’exposition des riverains aux produits phytosanitaires dans les zones viticoles et non viticoles. « Nous avons réduit de 50 % notre consommation de pesticides. Mais nous craignons que les résultats soient présentés de manière à charge contre notre profession, sans tenir compte des efforts considérables déjà engagés », a confié le vigneron ,Thiébault Huber.
La filière se dit mobilisée pour poursuivre la réduction des intrants, mais appelle à une communication plus équilibrée qui valorise aussi les progrès réalisés.
La sécurité des parcelles et les vols de raisins
Comme chaque année, la question des vols a été évoquée. S’ils restent marginaux, certains incidents liés à des erreurs de parcelles alimentent parfois les tensions.
Le préfet a insisté : « Ne jetons pas trop vite le discrédit sur la profession. Les vols sont très limités et souvent liés à des confusions. La gendarmerie est mobilisée avec des patrouilles renforcées pour sécuriser le vignoble ».
Un constat partagé : passion et inquiétudes mêlées
Au terme de cette matinée, le sentiment dominant est celui d’une profession passionnée, attachée à son terroir et à son patrimoine, mais sous pression. Climat, marchés, normes, transmission et attentes sociétales composent une équation complexe.
Tous espèrent que l’État, par la voix du préfet, saura accompagner les vignerons dans ces transitions sans compromettre ce qui fait l’essence même de la Bourgogne : l’excellence de ses vins et la diversité de ses climats.
Jeannette Monarchi


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