À l’occasion des Grands Jours de Bourgogne : découverte des vins interdits et oubliés chez Armand Heitz

À l’occasion des Grands Jours de Bourgogne : découverte des vins interdits et oubliés chez Armand Heitz

Les Grands Jours de Bourgogne sont bien plus qu'une simple célébration des vins prestigieux de la région. Au cœur de ces événements, des expériences uniques se dévoilent, à l'image de la « dégustation interdite » orchestrée par Armand Heitz dans son château de Mimande à Chaudenay. Un rendez-vous énigmatique qui met en lumière les cépages oubliés et interdits, offrant aux visiteurs une plongée fascinante dans l'histoire mouvementée de la viticulture française. Focus sur cet univers hors du commun qui défie les conventions.

Lors des Grands Jours de Bourgogne, les domaines viticoles réservent souvent des surprises aux visiteurs. Armand Heitz, connu pour son originalité, a organisé une "dégustation interdite" mettant en avant des vins élaborés à partir de cépages oubliés ou même interdits. Parmi les autres temps forts de ces deux journées, Armand Heitz a dévoilé un éventail de ses 45 appellations 2022 en blanc et rouge lors de séances de dégustation. De plus, il a offert aux clients négociants l'opportunité de découvrir en avant-première le millésime 2023.

Un retour aux sources viticoles
Ce voyage gustatif nous rappelle l'histoire mouvementée des vignobles français. Avant l'introduction du châtaignier, les terrasses des Cévennes étaient autrefois couvertes de vignes de cépage Vitis Vinifera. Cependant, après la Révolution de 1789, des pépiniéristes ont introduit des vignes américaines telles que le Vitis Lambrusca et le Vitis Riparia. Malheureusement, ces variétés ont apporté avec elles des maladies, notamment le redoutable phylloxera en 1870, qui a rapidement contaminé l'ensemble du vignoble français. Bien que ces vignes américaines aient montré une certaine résistance, elles sont devenues des hybrides au fil du temps. En 1934, leur culture a été interdite, et un ordre d'arrachage a été donné en 1958.
Malgré ces restrictions, dans la commune d'Aujac dans les Cévennes, des petits producteurs rebelles s'efforcent aujourd'hui de préserver ce patrimoine végétal dans la haute vallée de la Cèze. Parmi eux, Gilbert Bischéri cultive une variété d'hybrides américains tels que le Clinton, l’Isabelle, l’Othello, le Jacquez, l’Herbemont, le Noah, ainsi que des cépages comme le Concord, le Taylor, le Cunnigham, le Couderc noir 7120, et même un Vitis Vinifera appelé le Chatus.
 
La quête de l'authenticité
Gilbert Bischéri, un paysan cultivant des cépages interdits, a présenté ses cuvées issues d'une parcelle conservatoire de 660 m2 située dans les Cévennes, à Aujac, entre le Mont Lozère et le Mont Aigoual. Depuis 45 ans, sa production est modeste et axée sur la préservation de la biodiversité fruitière ainsi que sur les cépages hybrides et résistants, issus de variétés arrivées des États-Unis à l'époque du phylloxera. Selon lui, « les viticulteurs ont adopté ces variétés en plants directs, sans traitement, pour maintenir la culture des vignes en Europe et produire des cuvées de table . Cette approche paysanne confère aux vins un goût sauvage et aromatique distinctif ».
Engagé au sein de l'association "Fruits Oubliés Réseau", Gilbert Bischéri participe activement à la préservation et à la promotion du patrimoine fruitier et de la biodiversité alimentaire jouant un rôle essentiel dans la sensibilisation, la protection et la redécouverte des variétés anciennes.
Cultivés en treille ou en pergola, ces cépages résistants permettent une culture biologique, évitant ainsi le recours à des traitements chimiques. Gilbert Bischéri défend avec passion sa parcelle conservatoire, cherchant à produire des vins aux arômes subtils de lilas, de framboise et de fraises des bois.
Parmi ses créations, figure le Noir d’Aujaguet, issu d'un plant trouvé en forêt, une cuvée spéciale regroupant l'ensemble des cépages oubliés cultivés sur sa parcelle. Malgré ses efforts et son engagement au sein de l'association Fruits oubliés Réseau, les vins de Gilbert Bischéri restent indisponibles sur le marché commercial. Ils demeurent exclusivement destinés à la consommation familiale et associative, illustrant ainsi la lutte inlassable pour la préservation d'un héritage viticole unique et souvent méconnu.
Cette quête de préservation et d'innovation trouve écho chez d'autres vignerons passionnés, à l'instar d'Armand Heitz, qui, dans la vallée de la Loire, exploite une parcelle dédiée aux "vins interdits" à base de Noah. En collaboration avec Nicolas Dutour, œnologue, agronome et responsable technique au domaine du Clos Roca à Nizas, ils produisent des cuvées Vin de France.

Jeannette Monarchi