BEAUNE

Musée des Beaux-Arts de Beaune - Série « Trésors cachés » : un carnet précieux pour comprendre le regard de Ziem

Musée des Beaux-Arts de Beaune - Série « Trésors cachés » :  un carnet précieux pour comprendre le regard de Ziem
Musée des Beaux-Arts de Beaune - Série « Trésors cachés » :  un carnet précieux pour comprendre le regard de Ziem
Musée des Beaux-Arts de Beaune - Série « Trésors cachés » :  un carnet précieux pour comprendre le regard de Ziem
Musée des Beaux-Arts de Beaune - Série « Trésors cachés » :  un carnet précieux pour comprendre le regard de Ziem

En ce mois de mai, le Musée des Beaux-Arts de Beaune met en lumière un objet rare et précieux : un carnet de croquis de Félix Ziem, maître du paysage et enfant du pays. Ce carnet, à la fois journal intime et laboratoire artistique, offre une plongée unique dans la Venise quotidienne de 1872.

À peine plus grand qu’une main – 15 x 9 cm et 1,7 cm d’épaisseur – le carnet de croquis n°27 de Félix Ziem, conservé précieusement dans les réserves du Musée des Beaux-Arts de Beaune, est d’une modestie trompeuse. Ce carnet contient l’un des témoignages les plus intimes et vivants du travail de Félix Ziem. Connu pour ses toiles lumineuses grandioses et ses dessins, Félix Ziem livre ici une vision bien plus directe, plus humaine, plus vibrante.
Derrière sa couverture de cuir vert, 92 pages de dessins, d’aquarelles et de notations manuscrites ouvrent une fenêtre exceptionnelle sur la pratique intime du peintre.
Ce carnet lui servait de matière première, une véritable réserve de motifs, d’impressions et de compositions qu’il allait puiser ensuite dans ses tableaux et ses dessins de grand format.

Un carnet au cœur de l’intimité créative
Ce carnet, daté du 12 au 22 mai 1872 à Venise, n’était pas destiné à être montré. Il était l’atelier mobile de sa mémoire, l’archive d’un regard en construction, et c’est précisément cela qui lui donne aujourd’hui toute sa valeur : il nous donne accès au Ziem en train de voir, de penser, de chercher, bien avant qu’il ne produise une œuvre à exposer ou à vendre.
C’est là, sur le vif, qu’il captait la lumière d’un ciel vénitien, le mouvement d’un gondolier, la silhouette d’une mère et son enfant – autant de scènes qui nourriront son œuvre peinte. Il y réfléchissait aussi à la répartition de la lumière sur l’eau, à l’équilibre d’un cadrage, à la palette de couleurs d’un moment précis de la journée.

Une réserve vivante d’impressions
Ce carnet n°27 comporte 92 pages, il commence le 12 mai 1872 à Venise et s’achève dix jours plus tard, le 22 mai. Il fut acquis en 1949 par la Ville de Beaune auprès d’un particulier et n’est que rarement montré, pour en préserver l’éclat fragile de ses couleurs. « C’est une petite merveille, s’exclame Delphine Cornuché, responsable des collections du Musée. Il s’agit d’un journal de bord où Ziem note ses impressions, ses émotions, la météo, les couleurs du ciel ou les nuances de la mer. Il explore la lumière sur l’eau, les reflets mouvants, sur la pierre et l’architecture, les atmosphères vénitiennes à différentes heures du jour. C’est ici que l’artiste travaille sa matière première, celle qui nourrira ensuite ses toiles plus construites et plus "marchandes". » Chaque page est frappée du cachet du fonds d’atelier Ziem, apposé après sa mort par sa veuve Alice Ursule Treilles. Celle-ci, avec l’aide du collaborateur Eugène Camille Lambert, rassembla et inventoria les œuvres de l’artiste à sa mort en 1911.


 
Un regard intime sur Venise
Félix Ziem, célèbre pour ses vues spectaculaires de Venise baignée de lumière et de faste, révèle ici une tout autre facette. Dans ce carnet, il croque le quotidien : pêcheurs, gondoliers, vénitiennes aux pieds nus, une mère et son enfant, une marchande de fruits, des scènes de marché, de lagune, de carnaval. À la mine de plomb, à la plume, à l’encre ou en aquarelle, Félix Ziem déploie ici une précision d’observation et une liberté de geste peu visibles dans ses grands formats. Loin des fêtes de la Sérénissime, c’est une Venise vécue et observée que restitue ce carnet. « C’est un document précieux pour comprendre la manière dont il travaillait », confie Delphine Cornuché. Loin des décors de théâtre, c’est une Venise vivante, populaire, que l’on découvre. « Il y a une vraie spontanéité du geste, une maîtrise du dessin d’observation. Il compose rapidement, avec une précision étonnante. On découvre un Ziem dessinateur, très sensible. »


 
Un carnet parmi d’autres, mais unique à Beaune
Ce carnet n’est pas isolé. Le Musée du Petit Palais à Paris en a acheté 5 avant que la petite-fille de Ziem fasse un don de 42 autres carnets issus du fonds d’atelier, en 1993). Six sont conservés au Musée Ziem à Martigues. Celui de Beaune se distingue cependant par son abondance d’aquarelles et sa qualité d’exécution. Ce carnet a été rarement exposé : il fut notamment présenté en 2011, lors d’une exposition consacrée à Ziem, avec un dispositif soigné (pages tournées chaque semaine, sous cloche, avec diaporama numérique). Depuis, il repose à l’abri de la lumière.
Ce carnet est un trésor silencieux. Il est un objet sensible, délicat, à contempler avec attention — et peut-être le plus beau des témoignages de ce que fut l’art de voir pour ce peintre inlassable voyageur.

Jeannette Monarchi

Rendez-vous en juin pour découvrir un autre "Trésor caché" : un objet archéologique. Il s’agit d’un Enfant au berceau (ex-voto) de l’époque gallo-romaine en pierre calcaire provenant du site archéologique des Bolards, à Nuits-Saint-Georges.
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