PestiRiv confirme l’évidence : vivre près des vignes expose davantage aux pesticides

PestiRiv confirme l’évidence : vivre près des vignes expose davantage aux pesticides

Santé publique France et l’Anses ont dévoilé ce lundi les conclusions de l’étude nationale PestiRiv, première enquête à mesurer objectivement l’exposition des riverains aux pesticides. Avec près de 2 700 participants suivis, les résultats confirment sans surprise que la proximité des vignes est le principal facteur d’imprégnation. Si les niveaux observés restent dans les marges réglementaires, les agences appellent à réduire au strict nécessaire l’usage des produits phytopharmaceutiques et à mieux informer les riverains.

Présentée ce lundi à Paris, l’étude PestiRiv livre une photographie détaillée de la contamination environnementale en zones viticoles. Peu de données existaient jusqu’ici sur l’exposition réelle des personnes vivant à proximité de cultures aux pesticides. Pour combler ce manque, Santé publique France et l’Anses ont conduit PestiRiv, une étude nationale inédite (2021-2022) visant à mesurer objectivement l’exposition des riverains aux produits phytopharmaceutiques (herbicides, fongicides, insecticides). La viticulture a été choisie comme cas d’étude car elle utilise fréquemment des traitements, est souvent implantée au cœur des villages, et représente une culture permanente proche des habitations.

 Une étude d’ampleur inédite
Avec un investissement de 11 millions d’euros et près de dix ans de préparation, PestiRiv constitue une étude sans précédent. Entre 2021 et 2022, les chercheurs ont suivi 2 688 participants (1 946 adultes et 742 enfants de plus de 3 ans) dans 265 communes réparties sur six régions viticoles dont la Bourgogne. Deux groupes ont été comparés : des riverains habitant à moins de 500 m des vignes et à plus de 1 km d’autres cultures, et des personnes vivant à plus de 5 km des vignes et à plus de 1 km d’autres cultures.
L’étude a combiné des mesures environnementales et l’alimentation (air extérieur, air intérieur, poussières, fruits et légumes autoproduits) et biologiques (urine et cheveux), en recherchant la présence de 56 substances actives. En parallèle, un questionnaires sur les habitudes de vie, l’alimentation et l’usage domestique de pesticides a été documenté.
« C’est une étude unique, qui répond à un projet de santé publique avec une approche en conditions réelles », souligne le Pr Benoît Vallet, directeur général de l’Anses.
 
Des résultats attendus mais robustes
Sans surprise, PestiRiv confirme que les riverains des zones viticoles sont davantage exposés aux pesticides que ceux vivant loin de toute culture. Cette imprégnation plus forte a été observée aussi bien chez les adultes que chez les enfants, et elle est plus marquée en période de traitement de la vigne.
Parmi les molécules les plus détectées figurent le folpel et le métirame (fongicides spécifiques à la viticulture), mais aussi des substances plus générales comme le glyphosate, le fosétyl-aluminium ou la spiroxamine.
Ces transferts sont liés à des phénomènes connus : dérive des gouttelettes au moment des pulvérisations, ré-évaporation des produits appliqués et redéposition progressive dans l’environnement.
Les résultats, jugés robustes et cohérents avec d’autres études internationales (États-Unis, Pays-Bas), confirment deux facteurs majeurs d’exposition : la quantité de produits utilisés et la proximité immédiate des habitations avec les vignes.
 
« Tout ça pour ça ? »
Si l’étude apporte une photographie précise des expositions, certains observateurs jugent qu’elle « enfonce des portes ouvertes ». Le Dr Caroline Semaille, directrice générale de Santé publique France, nuance : « PestiRiv n’est pas une fin en soi. Elle ouvre des pistes et améliore la connaissance sur l’exposition environnementale. C’est une étape essentielle, même si elle ne répond pas encore à toutes les questions ».
Les conditions météorologiques du printemps et de l’été 2022 (temps chaud et sec) ont limité les traitements, ce qui pourrait expliquer des niveaux d’exposition relativement bas par rapport à des années pluvieuses.
 
Limites et précautions
Le protocole, très exigeant pour les participants (suivi sur 14 jours), n’a pas permis d’accéder aux données réelles d’utilisation des pesticides par les exploitants, ce que regrettent les agences.
De plus, l’étude n’avait pas pour objectif d’évaluer directement les risques sanitaires : aucune conclusion n’est donc tirée sur l’impact sur la santé. « Pour aller plus loin, il faudrait mener une étude épidémiologique », précise le Pr Vallet.
 
Recommandations et perspectives
Les deux agences appellent à réduire au strict nécessaire le recours aux produits phytopharmaceutiques et à limiter leur dispersion, en s’appuyant notamment sur la stratégie Ecophyto 2030. Elles insistent aussi sur la nécessité de mieux informer les riverains en amont des traitements.
Les résultats de PestiRiv alimenteront la base Green Data for Health (GD4H) et seront mis à disposition de la communauté scientifique. Les agences prévoient d’aller plus loin pour
étudier les liens entre expositions et effets sanitaires, en croisant les données PestiRiv avec celles des études de toxicité des substances ; approfondir la compréhension des mécanismes d’exposition et définir des niveaux biologiques associés à un risque et décrire les co-expositions (plusieurs substances et autres facteurs de risque) dans une approche « exposome ».
 
Une première étape
Les produits phytosanitaires restent indispensables pour protéger la vigne contre des menaces majeures comme le mildiou ou le phylloxéra. Autorisés après évaluation stricte et assortis de moyens de protection, leur efficacité est reconnue mais leur usage n’est pas anodin et exige vigilance.
Les résultats, sans surprise, confirment l’existence d’expositions liées aux usages agricoles ou alimentaires. Ils demeurent néanmoins dans les marges prévues par les autorisations de produits. PestiRiv ne remet pas en cause l’autorisation des produits actuellement utilisés mais souligne l’urgence de mieux contrôler les pratiques et de limiter les expositions.
« Le premier intérêt est de bien comprendre les expositions et leurs déterminants : quantité, distance, conditions climatiques, résume le Dr Semaille. L’étude rappelle aussi l’importance de dialoguer et de partager les informations avec les riverains. »
En définitive, l’étude PestiRiv livre des données inédites et solides… mais sans grande surprise. Oui, vivre près des vignes augmente l’exposition aux pesticides : une confirmation attendue plus qu’une révélation.

Jeannette Monarchi

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