BEAUNE

« Beaune mérite mieux » : Pierre Bolze et Alain Suguenot règlent leurs comptes en conseil municipal

« Beaune mérite mieux » : Pierre Bolze et Alain Suguenot règlent leurs comptes en conseil municipal

Le conseil municipal de Beaune, réuni jeudi soir, a tourné au règlement de comptes entre le maire Alain Suguenot et son premier adjoint Pierre Bolze, désormais candidat déclaré aux prochaines municipales. Retrait de délégations, création d’un groupe dissident, accusations croisées : la séance a viré à la confrontation politique ouverte.

Un climat explosif avec en toile de fond : la campagne municipale qui s’installe déjà dans l’hémicycle. Dès l’ouverture du conseil municipal de Beaune, jeudi soir, le ton était donné. Le maire Alain Suguenot a annoncé avoir reçu une demande de création d’un groupe politique, baptisé « Beaune notre ville » et présidé par Pierre Bolze, son premier adjoint, rassemblant 17 élus, groupe devenant majoritaire au sein du conseil. Une initiative aussitôt jugée « sans valeur légale » par l’édile. Selon lui, la création d’un groupe au sein du conseil ne peut être valide qu’à travers un arrêté du maire, et non par simple déclaration. « Ce groupe n’existe pas pour ce conseil municipal. On ne peut pas appartenir à deux groupes. La démarche aurait dû être faite la veille », a tranché Alain Suguenot.
De quoi déclencher un premier bras de fer juridique. Un argument immédiatement contesté par Pierre Bolze, qui affirme au contraire que la loi prévoit une simple déclaration. « Les textes sont là, il suffit de les appliquer pour une fois », argue-t-il. Chaque camp a alors brandi ses propres références juridiques, plongeant l’assemblée dans un affrontement d’interprétations légales.
Autre signe fort de ce divorce politique : Pierre Bolze a quitté la table centrale, où il siégeait jusque-là aux côtés du maire, pour rejoindre les bancs de l’opposition. Un déplacement qui, au-delà du protocole, matérialise la fracture désormais consommée au sein de l’exécutif municipal.


Un premier adjoint privé de ses délégations
Très vite, la discussion a glissé sur un sujet plus personnel : le retrait, en juin dernier, de l’ensemble des délégations de Pierre Bolze à la ville comme à l’agglomération. Une décision prise après l’annonce de sa candidature face au maire aux prochaines municipales de mars 2026. « On ne peut pas être dedans et dehors », a justifié Alain Suguenot, évoquant une perte de confiance, accusant son premier adjoint d’agir en « dissident » depuis deux ans. Alexis Faivre devient le nouveau délégué à la règlementation.
Pierre Bolze, visiblement déterminé, a dénoncé une décision « contraire à la loi », rappelant l’obligation légale de saisir le conseil municipal, sans délai, pour statuer sur le maintien d’un adjoint privé de toutes ses délégations. « Tu ne l’as pas fait en juin, tu ne l’as pas fait aujourd’hui non plus. Une fois de plus, tu ne respectes pas la loi », a-t-il lancé, citant les textes en vigueur et la jurisprudence administrative.
Et de poursuivre, avec une attaque plus politique : « Chacun a compris pourquoi : parce que tu sais que tu n’as pas de majorité. Ce n’est pas une décision républicaine mais une brimade de cour d’école ».

Des critiques sévères sur la gestion municipale
L’échange s’est ensuite transformé en charge frontale contre la gouvernance du maire. Pierre Bolze a dénoncé un fonctionnement « isolé et usé » : « Depuis trois ans, tu n’as plus réuni ton équipe, tu n’associes plus tes élus, tu t’es progressivement enfermé dans l’isolement. Le fonctionnement de notre collectivité souffre d’une réelle usure. Beaune mérite mieux : rigueur, transparence et vitalité démocratique ».
Il a fustigé des dossiers mal préparés, citant notamment la commission des finances où « cinq dossiers n’étaient pas prêts », ou encore l’absence de rapport sur les recommandations de la Chambre régionale des comptes.
« Beaune mérite qu’on recentre l’action municipale sur le quotidien des habitants. C’est dans cet esprit que je continuerai à exercer mes responsabilités de premier adjoint — car c’est la loi, et car le Conseil municipal n’a jamais décidé le contraire », a-t-il conclu.
 
Une riposte cinglante du maire
Face à ces attaques, Alain Suguenot est sorti de ses gonds. Très énervé, il a dénoncé une stratégie électorale déguisée : « Ne confonds pas le conseil municipal avec une campagne électorale. Depuis le 1er septembre, on est en période de campagne, et ce conseil n’est pas une tribune ».
Puis, visant directement son premier adjoint : « Tu n’as jamais été mon ami ni mon successeur. Tu es absent des services depuis trois ans ». La tension est montée d’un cran lorsque Pierre Bolze a tenté de rappeler qu’ils avaient « fait de belles choses ensemble pour Beaune », déclenchant l’ire du maire, qui y a vu une tentative de récupération politique.
 
Un procès-verbal qui envenime la situation
L’adoption du procès-verbal du conseil du 26 juin, un point généralement expédié sans débat, a rallumé l’incendie. Pierre Bolze a contesté la rédaction du document, estimant qu’il ne reflétait pas fidèlement la réalité du vote du compte administratif.
Stéphane Dahlen, adjoint en charge des affaires scolaires et du numérique, a appuyé cette critique : « On ne conteste pas le fond, mais la façon dont c’est relaté ».
Alain Suguenot a refusé toute modification, parlant d’« unité crasse » et de « mauvaise foi ». Une nouvelle passe d’armes qui a encore durci le ton.
 
Des élus excédés
Face à cette confrontation, plusieurs élus ont exprimé leur désarroi. Consternée, Carole Bernhard de l'opposition (groupe "Pour Beaune vraiment") a dénoncé « le spectacle affligeant » donné par les élus. « Nous sommes d’accord pour débattre de points de droit, c’est normal dans un État de droit, mais il faudrait aussi plus de considération – pour nous comme pour les Beaunois », a-t-elle rappelé.
Geoffroy Brunel du groupe d'opposition "Beaune Convergence" a exprimé à son tour ses doutes sur la rédaction du procès-verbal, estimant qu’il ne reflétait pas fidèlement le déroulé des débats. Le maire a alors pointé une « alliance » entre Geoffroy Brunel et Pierre Bolze. Ce dernier a sèchement répliqué : « Si c’est ton seul argument… ».
Marc Désarménien, conseiller municipal, a résumé la lassitude d’une partie de l’assemblée : « Sur le fond, ce débat ne changera rien pour les Beaunois. Nous sommes dans une cour d’école ».
Charlotte Fougère, adjointe en charge de la culture, du mécénat, de la qualité de la ville et des grands projets, a, elle, tenté de ramener de la sérénité : « Le débat n’est pas au niveau. On peut comprendre que le maire ne souhaite pas donner la parole à quelqu’un qui se présente face à lui. Mais il faut travailler dans un climat constructif ».
Sur les 25 élus présents, seuls sept ont approuvé le procès-verbal, tandis que les autres ont refusé de le valider.
 
Une séance éprouvante
Après trois quarts d’heure d’échanges violents et intenses, le maire a menacé de lever la séance : « Je ne sais pas si on peut continuer dans cette ambiance… Je ne me sens pas capable d’aller plus loin face à un tel niveau de mauvaise foi, avec des personnes que j’avais pourtant choisies en toute amitié. Je rappelle que nous nous étions engagés ensemble pour six ans », a-t-il lancé, visiblement ébranlé.
Carole Bernhard, pour sa part, a tenu à recadrer les débats en rappelant les priorités : « Il y a des personnes, des entreprises, des agents qui attendent des réponses. La moindre des choses serait d’avoir un peu de considération et de continuer nos travaux ».
La séance a finalement repris, sans retrouver une atmosphère normale. La tension restait palpable entre les deux anciens alliés, ce qui a conduit Alain Suguenot à conclure, en levant la séance : « On se forge une carapace… et il y en aura d’autres ».

Jeannette Monarchi