BEAUNE
Beaune – « Procès imaginaire » : Guigone met K.-O. le cardinal
Par Jeannette Monarchi
Publié le 21 Septembre 2025 à 08h03

Dans une ambiance théâtrale, avocats dijonnais et spectateurs ont rejoué la querelle successorale entre Guigone de Salins et Jean Rolin. Elle avait déjà remporté la bataille juridique en 1468. Ce vendredi, plaidoiries ciselées, joutes oratoires et verdict populaire : six siècles après le Parlement de Paris, le public beaunois a confirmé la victoire de Guigone, le cardinal Jean Rolin n’a pas fait le poids.
C’est dans la solennité feutrée de la Chambre du Roy que le rideau s’est levé sur le deuxième acte des Procès Imaginaires. Après Nicolas Rolin, fondateur des Hospices, confronté à Alardine Gasquière, première mère supérieure en février dernier, place à sa troisième épouse Guigone de Salins et à son fils Jean, cardinal et héritier. À la mort du chancelier en 1462, la question de la succession de son immense fortune et surtout du patronage de l’Hôtel-Dieu reste ouverte.
Historiquement, le Parlement de Paris trancha en 1468 : Guigone conserva la gestion de l’Hôtel-Dieu. Mais ce vendredi, c’est le public beaunois qui a repris la main, dans une ambiance à mi-chemin entre l’histoire vivante et le théâtre judiciaire.
Un tribunal en costumes
Pour l’occasion, l’Ordre des avocats du barreau de Dijon a déployé ses plus beaux talents. À la présidence, Nicolas Bollon, vice-président du tribunal judiciaire de Dijon, assisté par la bâtonnière, Anne Geslain, et de la nouvelle magistrate du tribunal judiciaire de Dijon, Julie Defournel, garantissait le cadre solennel.
Les rôles principaux étaient portés par deux jeunes ténors du barreau : Laure Abramowitch, lauréate du concours d’éloquence en 2019, pour défendre Guigone, et Nathan Pascaud-Kepling, lauréat 2022, pour porter la voix du cardinal Jean Rolin.
Les avocats ont croisé les mots avec brio. Robes noires, diction ciselée, gestes mesurés : tout y était. La salle avait l’impression d’assister à une véritable audience, avec un parfum de plaidoirie médiévale.
Plaidoirie pour une femme de cœur
L’avocate de Guigone n’a pas hésité à toucher les cœurs. Elle a peint le portrait d’une femme d’exception : veuve à 60 ans, entièrement dévouée à l’œuvre de charité fondée avec son mari. « Deux cœurs ont battu à l’unisson » a-t-elle martelé. Elle rappela que la fortune familiale de Guigone avait largement contribué à la construction de l’Hôtel-Dieu et que son engagement quotidien auprès des malades faisait d’elle bien plus qu’une simple héritière. Une femme pionnière, qui partageait le quotidien des sœurs hospitalières et incarnait la charité en actes.
La contre-attaque du cardinal
Face à ce plaidoyer empreint d’émotion, Nathan Pascaud-Kepling fit le choix du droit, sec et implacable. « Les Hospices sont l’œuvre de Nicolas Rolin. Et sur l’acte de fondation, Guigone n’apparaît pas. Si elle a dû demander une bulle papale pour être reconnue cofondatrice, c’est bien parce qu’elle ne l’était pas de droit. »
Il brandit l’argument du sang et de la légitimité dynastique : Jean Rolin, fils de Nicolas, cardinal et évêque, devait logiquement reprendre le flambeau paternel. Et de tacler au passage une veuve « jouant de sa féminité pour s’arroger des mérites qui ne sont pas les siens ».
Un discours incisif, parsemé de touches piquantes : le cardinal fut rappelé dans ses contradictions, entre sa carrière religieuse prestigieuse et… sa descendance illégitime. De quoi faire sourire une partie du public.
Un public impliqué
Au-delà du simple rôle de spectateurs, les personnes présentes ont pu directement interagir avec la scène judiciaire reconstituée. Après les plaidoiries, un temps d’échanges a permis au public de poser des questions, tant sur les aspects juridiques de l’affaire que sur le parcours personnel et historique des protagonistes. De quoi affiner la compréhension des enjeux successoraux et mieux cerner la personnalité de Guigone comme celle du cardinal Jean Rolin, avant de se prononcer.
Le jury populaire tranche
Après ces envolées, place au verdict. Et cette fois, ce n’était pas le Parlement de Paris qui rendait la justice, mais les spectateurs eux-mêmes. À main levée, le verdict est tombé : 51 voix pour Guigone, seulement 10 pour Jean Rolin.
Une clameur amusée a salué le résultat, qui confirmait à la fois l’histoire et l’attachement des Beaunois à la figure de Guigone, cofondatrice et protectrice de l’Hôtel-Dieu.
Au-delà du jeu d’acteurs, ce procès imaginaire a rappelé la force symbolique de l’Hôtel-Dieu : un lieu où s’entrecroisent charité, politique, religion et patrimoine. « Ce n’est pas seulement un procès, c’est une rencontre avec l’histoire, une manière de redonner vie aux figures qui ont façonné Beaune », confiait une spectatrice à la sortie.
Un moment hors du temps, où l’art oratoire et la mémoire collective se sont conjugués pour écrire une nouvelle page… imaginaire, mais pas moins vivante. Des Procès imaginaires qui pourraient revenir dans la programmation culturelle 2026 de l'Hôtel-Dieu...
Jeannette Monarchi


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