BEAUNE

Beaune – De Guigone à Paul Berbey : les mémoires de l’Hôtel-Dieu en graffiti

Beaune – De Guigone à Paul Berbey : les mémoires de l’Hôtel-Dieu en graffiti

L’artiste italien Andrea Ravo Mattoni rend hommage aux figures emblématiques des Hospices de Beaune. Entre respect du patrimoine et souffle contemporain.

Petit bonus pour ce week-end des Journées européennes du patrimoine : dans le cadre du projet « Imaginaires Kréatifs – Visions hospitalières, Visions minérales », l’Hôtel-Dieu de Beaune dévoile des œuvres inédites d’Andrea Ravo Mattoni. L’artiste italien, connu pour ses fresques monumentales inspirées des grands maîtres, signe ici un hommage vibrant aux figures et aux symboles de l’institution hospitalière.
Avec six toiles à la bombe réalisées spécialement pour Beaune, Andrea Ravo Mattoni propose une relecture contemporaine de l’histoire hospitalière.

Figures et symboles, ou l’histoire illustrée d’une institution charitable
Les œuvres mettent en lumière des personnalités qui ont façonné le lieu à travers les siècles :
- Nicolas Rolin (1376-1462), chancelier du duc de Bourgogne et fondateur de l’Hôtel-Dieu, dont l’influence politique et la fortune permirent de créer ce chef-d’œuvre d’architecture et de charité.
- Guigone de Salins (1403-1470), son épouse, figure de piété et de ténacité, qui assura la pérennité de l’institution face aux contestations successorales.
- Sœur Louise Duchini (1943-2006), dernière Supérieure générale des Sœurs Hospitalières de Sainte-Marthe de Beaune, témoin de l’engagement spirituel et soignant au XXe siècle.
- Paul Berbey (1936-2014), ancien orphelin de l'Hospice de la Charité, Paul Berbey réalise une grande partie de sa carrière au sein des Hospices Civils de Beaune, il a été longtemps « crieur » officiel de la célèbre vente des vins.
Le polyptyque évoque aussi la commande majeure des fondateurs : le Jugement dernier du peintre flamand Rogier van der Weyden. Réalisé au XVe siècle pour la salle des Pôvres, ce retable illustrait aux malades la destinée des âmes, entre Enfer et Paradis. En revisitant cette œuvre emblématique, Andrea Ravo Mattoni donne à voir un patrimoine spirituel et artistique sous un angle résolument urbain et contemporain.

Du musée à la rue
La démarche d’Andrea Ravo Mattoni est claire : rendre accessibles les grands classiques de la peinture en les transposant dans l’espace urbain. Fils et petit-fils d’artistes, graffeur autodidacte avant de rejoindre l’Académie des Beaux-Arts de Brera, « Ravo » a trouvé sa voie en mêlant les codes du graffiti et les canons de l’art classique. Son style – « dal classicismo al contemporaneo » – transpose avec une fidélité étonnante les chefs-d’œuvre des musées sur des murs, à la bombe aérosol.
« Nous avons tellement de beauté derrière nous que nous pouvons inonder le monde de poésie. Mon projet est ambitieux, mais je le considère surtout comme une mission », confie l’artiste, devenu l’une des figures majeures du street art européen.

« Imaginaires Kréatifs » : un projet anniversaire
Cette intervention s’inscrit dans une programmation artistique inédite lancée pour célébrer les dix ans de l’inscription des Climats du vignoble de Bourgogne au patrimoine mondial de l’UNESCO. Porté conjointement par l’Hôtel-Dieu de Beaune et La Karrière de Villars-Fontaine, le projet « Imaginaires Kréatifs – Visions hospitalières, Visions minérales » propose un dialogue entre patrimoine et création contemporaine.
Trois artistes de renommée internationale – Jace, Eron et Boris « Delta » Tellegen – interviennent au fil de l’année 2025 pour réinterpréter l’histoire hospitalière de l’Hôtel-Dieu et la minéralité brute de La Karrière.
Avec ce bonus signé Ravo Mattoni, le public mesure combien le passé peut inspirer le présent. Ses portraits de figures emblématiques des Hospices, réalisés à la bombe, brouillent volontairement les frontières entre musée et rue, entre sacré et populaire. Une manière percutante de rappeler que l’Hôtel-Dieu n’est pas un lieu figé, mais un patrimoine vivant, ouvert à de nouveaux imaginaires.

Jeannette Monarchi